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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Philippe Descola. (photo recadrée) ©Franck Ferville pour Philosophie magazine.

Philippe Descola : “Notre position dans le monde n’est pas acquise ”

Alexandre Lacroix publié le 03 octobre 2012 9 min

Les travaux de l’anthropologue Philippe Descola nous enseignent que la manière dont les Occidentaux distinguent l’homme de l’animal n’a rien d’une évidence. En dehors du « naturalisme » occidental, il existe trois autres visions du monde, qui permettent d’envisager une relation plus harmonieuse à la nature et aux non-humains.

La parution de Par-delà nature et culture chez Gallimard, à l’automne dernier fait figure d’événement dans le paysage intellectuel français. Depuis longtemps, on n’avait pas été confronté à une entreprise théorique aussi ambitieuse, digne prolongement des travaux de Claude Lévi-Strauss, dont Philippe Descola a été l’élève, et auquel il succède à la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France. Mêlant une évocation personnelle de la société des Jivaros Achuar de Haute-Amazonie à une synthèse érudite de l’histoire de l’opposition entre nature et culture, Philippe Descola invite à repenser notre rapport aux animaux et au monde, et pose les fondements anthropologiques d’une nouvelle éthique soucieuse de l’insertion de l’homme dans son cadre de vie.

 

Philosophie magazine : Dans Par-delà nature et culture, vous employez les termes d’humain et de non-humain plutôt que de parler d’homme et d’animal. Pourquoi ?
Philippe Descola : C’est un vocabulaire par défaut, qui n’est pas entièrement satisfaisant. Je voulais mettre l’accent sur le fait qu’il n’y a pas que des animaux parmi les non-humains, il y a aussi des plantes, des esprits, et des artefacts – c’est-à-dire des objets qui, dans certaines sociétés, peuvent être conçus comme étant dotés d’une intentionnalité.

 

Vous invitez le lecteur à se dégager de la vision du monde occidentale, pour envisager d’autres conceptions des relations entre humains et non-humains.
Ph. D. : C’est le principe même de l’ethnologie. En prenant de la distance, en allant dans une société éloignée de la sienne, on devient capable de remettre en question son propre système de pensée. Au retour, c’est l’Occident qui paraît exotique. Jeune ethnologue, j’ai séjourné entre 1976 et 1979, chez les Jivaros Achuar, en Haute-Amazonie. J’ai découvert, là-bas, une manière de distinguer humains et non-humains très différente de la nôtre. Chez les Achuar, la plupart des animaux et des plantes, certains artefacts aussi, sont considérés comme ayant une intériorité – une âme, dirions-nous – semblable à celle des humains. Dans certaines circonstances, notamment dans les rêves, les animaux et les plantes peuvent communiquer avec les humains. En revanche, humains et non-humains ont des corps différents. Ils se distinguent donc par leur apparence et par les organes dont ils disposent, notamment pour la locomotion. Cette conception des choses, répandue en Amazonie et dans les sociétés amérindiennes, je l’appelle l’animisme.

 

Quelles en sont les conséquences pratiques ?
Ph. D. : Dans l’animisme, les humains entretiennent avec les non-humains des rapports de personne à personne. Ces rapports sont manifestes en particulier dans la chasse. Le chasseur Achuar essaie de convaincre la personne animale qu’il poursuit de céder à ses avances. Le rapport entre le chasseur et sa proie est pensé sur le mode de la séduction. L’animal est perçu comme un allié, ou comme un parent par alliance, avec lequel il faut négocier, car on n’est pas sûr de sa loyauté. Le chasseur adresse mentalement une chanson à son gibier, qui dit, par exemple, « Petit beau-frère, viens, nous allons nous promener » ou « Beau-père, laisse-moi tes enfants ». On ne formule jamais explicitement l’acte de tuer, car le but est de créer l’atmosphère d’une relation. Ces codes sont précis, il existe des chants de ce type pour chaque circonstance de la chasse. Quand un singe est bloqué dans l’enfourchement d’un arbre parce qu’il a été tétanisé par le curare – les Achuar chassent à la sarbacane avec des fléchettes empoisonnées –, son âme reste encore à proximité, même s’il est mort. On chante alors à son âme pour demander qu’il lâche prise et qu’il tombe aux pieds du chasseur.

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Article issu du magazine n°2 mai 2006 Lire en ligne
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