Philippe Descola: “J’ai noirci des pages et des pages en dessinant des petits schémas”
Souvent les nouvelles théories naissent en une fraction de seconde. C’est ce qui est arrivé, dit la légende, à Archimède avec son fameux « Eurêka ! » (« J’ai trouvé ! »). Mais c’est aussi ce qu’ont vécu, d’une façon ou d’une autre, les grands philosophes de notre temps que nous avons interrogés. Ils reviennent pour nous sur la mystérieuse origine de leur concept-clé. L’occasion de faire un tour du monde de la pensée contemporaine. Et, qui sait, de faire naître l’Idée, la vôtre.
« Il m’a fallu dix ans de travail pour parvenir à la conclusion qu’on pouvait classer (et donc mieux comprendre) les différentes cultures humaines, selon leurs manières d’envisager les rapports entre humains et non-humains. Ce fut le fruit d’un long accouchement et de nombreuses discussions, débats et controverses avec mes collègues, notamment avec Eduardo Viveiros de Castro et Timothy Ingold. De retour de mon terrain d’ethnologue – d’un séjour chez les Indiens Achuars en Amazonie –, j’ai cherché à comprendre certains phénomènes que j’avais observés. Par exemple, j’avais remarqué que les femmes traitaient les plantes des jardins comme des parents consanguins, tandis que les hommes traitaient les animaux chassés comme des affins, soit des parents par alliance. Je me suis alors souvenu de ce qu’explique Claude Lévi-Strauss dans Le Totémisme aujourd’hui : pour lui, le totémisme est une manière de se servir des écarts et rapports entre les différentes espèces animales et végétales pour penser les écarts et les rapports entre les différents groupes sociaux humains, en d’autres termes de se servir de la nature pour penser la culture. J’ai eu l’impression que les Achuars faisaient l’inverse, qu’ils se servaient des catégories élémentaires de la vie sociale pour penser leurs rapports aux entités naturelles, et c’est ce que j’ai appelé l’animisme. Ensuite, je me suis dit qu’il y avait une troisième manière de voir les choses, ni totémiste ni animiste, typiquement occidentale, que j’ai appelé le naturalisme, qui oppose nature et culture de façon presque conflictuelle. Partant de là, je me suis demandé si je pouvais parvenir à une classification universelle des cultures. Pendant tout un été, j’ai travaillé avec des diagrammes. Concrètement, je me suis mis à noircir des pages et des pages en dessinant des petits schémas pour rendre compte des compatibilités et les incompatibilités entre les cultures. Et puis, à un moment donné, après bien des esquisses, je suis arrivé à ce tableau :
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