“Peter von Kant” : amours captives
Avec Peter von Kant, son nouveau film inspiré par Fassbinder, François Ozon met en scène les paradoxes de l’amour, entre liberté et possession. Un magistral jeu de dupes !
Comme au théâtre. Cette chanson de Cora Vaucaire, reprise dans le nouveau film de François Ozon, synthétise une certaine conception de l’amour, qu’illustre le réalisateur en adaptant librement ce texte de Rainer Werner Fassbinder au cinéma. La distribution féminine originelle – une créatrice de mode, sa muse et son assistante – laisse ici place à un trio masculin – Peter le cinéaste (Denis Ménochet), Amir le jeune premier (Khalil Gharbia) et Karl l’assistant (Stefan Crepon). Le premier aime passionnément le deuxième, lequel se joue de lui, sous l’œil ambigu et voyeur du dernier. Dans ce huis clos, le désir se mêle à la création. Parmi les objets évocateurs de cette reconstitution généreuse des années 1970, les machines à écrire ont leur place. Elles ne cessent de crépiter sous les doigts du mutique assistant, comme une mise en abîme : consignent-elles le scénario qui s’écrit sous nos yeux ? Ces histoires d’amours et de souffrance ne sont-elles jouées que pour être couchées sur le papier et nourrir la fiction ? « Je ne l’ai pas aimé, je voulais juste le posséder », dit Peter à sa mère, en parlant d’Amir qui l’a quitté, sans que l’on sache avec quelle sincérité ni avec quel orgueil. En filmant ainsi l’artificialité du jeu amoureux, François Ozon souligne un paradoxe vertigineux décrit par Jean-Paul Sartre dans L’Être et le Néant (1943) : « Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose ; il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté. » Ce faisant, il se condamne à une impasse malheureuse. L’amant, écrit Sartre, « veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre ». Il voudrait paradoxalement que cette liberté qu’il chérit veuille aussi « sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l’amour, ni une liberté hors d’atteinte : mais c’est une liberté qui joue le déterminisme passionnel et se prend à son jeu. » Combien de chefs-d’œuvre ce jeu de dupes a-t-il produits ?
Mises en abyme et jeux d'illusion: « Dans la maison », le dernier film de François Ozon sorti aujourd'hui, démonte les ressorts de la fiction.
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