Penser la lutte avec Spinoza

Victorine de Oliveira publié le 4 min

Miguel Benasayag n’est pas le seul à faire de Spinoza une arme de résistance. D’autres philosophes s’en sont inspirés pour bâtir une pensée politique souvent très à gauche.

A priori, il n’y a pas grand rapport entre une pensée de la joie qui invite à confondre Dieu et la nature tout en réglant ses passions à la manière d’un géomètre, et une philosophie de l’histoire qui se donne pour moteur la lutte des classes. Entre Spinoza et Marx, le fossé semble infranchissable. Et pourtant. À la fin des années 1960, toute une génération de philosophes à l’origine marxistes se plonge dans la lecture de Spinoza. Eux qui se voulaient anticonservateurs et antidogmatiques se rendent compte que le marxisme devient à son tour un dogmatisme mortifère : c’est que de l’autre côté du rideau de fer, la promesse d’une victoire du prolétariat sur la bourgeoisie et d’une libération des travailleurs semble s’être plutôt soldée par un appauvrissement économique généralisé et un régime totalitaire. Dans ce contexte, on mobilise Spinoza à la rescousse de Marx : quand Marx semble oublier les individus au bénéfice des structures, Spinoza et sa théorie des passions permettent de repenser au singulier ; alors que Marx distingue infrastructure et superstructure, soit les modes de production et l’idéologie, Spinoza rejette tout dualisme en imbriquant monde physique et monde des idées. De cette séance d’autocritique, le marxisme ne sort pas tout à fait indemne. Les idéaux révolutionnaires se teintent de doute et d’incertitude, d’autant plus que le capitalisme et les marchés financiers triomphent à l’orée des années 1990. Comment repenser la lutte une fois les repères du marxisme remis en question ? Chacun tente une réponse. Comme l’écrit Spinoza à la toute fin de l’Éthique, « tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare ».

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Comme d'habitude...
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