Pendant que j’y pense / mai 2014

Imaginez une tripotée de philosophes suisses (ou bien ?) en jazz band version génies des alpages, qui décident de se faire un bœuf métaphysicien, chacun improvisant en virtuose sur les concepts d’être, de substance, d’essence et d’existence, de genre et d’espèce, d’objet et de sujet.Bref, toutes les abstractions qui font les délices de la métaphysique depuis les Catégories d’Aristote. Cela donne Aristote chez les Hélvètes (13,50 €), un collectif à la fois drôlatique et très sérieux illustré par Baba et publié aux excellentes éditions d’Ithaque. La métaphysique, cette « science de l’être en tant qu’être (ou bien ?) », réputée la part de la philosophie la plus inaccessible aux esprits normalement équipés, se pose en réalité des questions toutes bêtes : y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Comment les choses sont-elles ce qu’elles sont ? Dans sa version hélvète, elles se traduisent très concrètement : qu’est-ce qu’une vache, une montagne, un trou dans l’emmental, une fondue, une banque… ? S’ouvre alors l’ivresse des sommets : car si le trou fait l’essence de l’emmental, et si nous ne doutons pas de l’existence du fromage, doit-on admettre la réalité du rien qu’est le trou ? Ou bien encore : comment le vin et le fromage continuent-ils d’exister une fois la fondue préparée ? On comprend presque tout. De la métaphysique, du moins. Quant à la Suisse… « Qu’est-ce que la Suisse ? » est la question tue et omniprésente. Mais là, on bascule dans la pataphysique…