Pendant que j'y pense / Juin 2014

Catherine Portevin publié le 2 min

« Prudence » semble murmurer le titre de cette stupéfiante série de tableaux fiévreux où un personnage chétif parvient à franchir le grillage de ce qu’on imagine un camp de rétention. « Du bruit » fait entendre le chaos du monde, tandis que la toile montre un personnage endormi. La peinture est d’abord un geste et rarement parole s’y joint. Les mots du peintre, ce sont ses couleurs, sa matière, sa lumière, son trait, son cadre… son geste, donc. Et parfois, un mot, un seul, parce qu’il faut nommer le tableau pour le galeriste. Chez Ronan Barrot, ces mots-titres résonnent, détonnent et appellent le regard aussi résolument que sa peinture, qui communique avec les bruns de Courbet, les ombres recluses de Rembrandt et les éclairs ardents de Goya. « Depuis les fusillades du trois mai [Tres de Mayo, le tableau de Goya], écrit le romancier Éric Vuillard en ouverture du catalogue de l’exposition (qui vient de s’achever) Pendant la répétition (Éd. Galerie Claude-Bernard, 15 €), nous sommes solidaires à jamais de cet homme qui écarte les bras, et dont le blanc de l’œil crève la toile et fait parvenir en un instant jusqu’à nous toute la portée de chaque existence. » Entre l’auteur de La Bataille d’Occident (Actes Sud, 2012), qui sut raconter les fureurs de l’Histoire, et l’artiste, il y a la fraternité de ceux qui « cherchent éperdument le monde ». La peinture de Ronan Barrot « ne transfigure rien. Elle broie. Elle repense ». Et nous requiert. « Le monde est une présence et une énigme, écrit encore Éric Vuillard. Et l’homme en est le témoin. » Qui voit tout, qui ne voit rien.

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