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“Les Chasseurs dans la neige”, de Pieter Bruegel l’Ancien, huile sur bois, 117 x 162 cm, 1565. Conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne (Autriche). © Domaine public

“Passer l’hiver”

Michel Eltchaninoff publié le 20 septembre 2022 3 min

Ce matin, dans le village de Michel Eltchaninoff, la terre n’était pas loin de geler. Entre voisins, on commence à discuter des prochaines livraisons de bois, de mazout et du prix de l’électricité. Et tout le monde se demande comment il va “passer l’hiver”. L’occasion de questionner le sens nouveau, et inquiet, que recouvre cette expression.

 

« Une expression fait florès chez les politiques, dans les médias et nos conversations : “passer l’hiver”. Le président de la République l’a utilisée dans sa conférence de presse du 5 septembre, au cours de laquelle il a détaillé sa “stratégie pour passer l’hiver”, fondée sur la sobriété et la solidarité avec les autres pays européens. Il va falloir faire face à une pénurie de gaz russe et d’éventuels pics de froid, se préparer à des coupures, à l’augmentation des prix de l’énergie et à la récession. Cette formule me frappe. Cela faisait des décennies qu’on utilisait le verbe “passer” pour évoquer quelque chose de doux : passer l’hiver, je ne sais pas, moi, en pantoufles, au chaud, au soleil… Mais pas passer l’hiver au sens propre, réussir à le traverser comme on franchit un col de haute montagne. Passer sans y passer…

Dans Les Paradis artificiels, Baudelaire évoque l’hiver comme “la saison du bonheur”, avec “les bougies allumées à quatre heures, un bon foyer, de bons tapis, de lourds rideaux ondoyant jusque sur le plancher”, tout ce confort bourgeois qui “exige une température rigoureuse”. “Cela coûte cher d’ailleurs”, ajoute-t-il. Mais en 2022, de nouveau, l’hiver fait peur. Une mémoire archaïque de privations et de rigueur se réveille au fond de nos consciences. Nous ne sommes plus dans la douillette jouissance de nos intérieurs bien chauffés. Nous pensons peut-être aux Chasseurs dans la neige de Bruegel, qui rentrent bredouilles, leurs besaces vides, avec leurs chiens désemparés, tandis que des paysans brûlent leurs meubles pour tenter de se protéger un peu du froid. Nous n’en sommes pas là, bien sûr. Mais nous sommes malgré tout ramenés vers un imaginaire très ancien, et inquiet.

“Y a plus de saisons”, disait le dicton. Le dérèglement du climat, en plus, effaçait les neiges hivernales, faisait fleurir les arbres en mars et advenir les canicules en juin. Mais, désormais, nous verrons approcher l’été avec anxiété et nous craindrons, au moins cette année, l’hiver. Les saisons redeviennent des épreuves. Dans Rendre le monde indisponible, un essai publié à La Découverte en 2020, le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa montre que le projet de notre modernité était de rendre le monde constamment disponible : des fraises en hiver, de la neige artificielle quand elle ne tombe pas, de la fraîcheur en été, le film dont j’ai envie sur le moment, etc. Hartmut Rosa affirme pourtant que plus nous travaillons à cette disponibilité de tout et plus ce projet se retourne en son contraire : le climat nous échappe, l’avenir du monde n’a pas été aussi incertain depuis longtemps. Et voilà que nous allons peut-être manquer d’électricité et de gaz.

Dans le tableau de Bruegel, comme dans toute son œuvre, les souffrances de l’existence sont contre-balancées par l’entraide, la joie d’être ensemble, les jeux des enfants. On peut espérer que les difficultés qui nous attendent seront, elles aussi, compensées par de la solidarité et de la chaleur humaine. Cette énergie-là sera peut-être disponible – sait-on jamais ? »

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