“Pacifiction. Tourment sur les îles” : Tahiti louche
Avec son nouveau film, le réalisateur Albert Serra emmène le spectateur explorer les brûlures du désir sur une île du Pacifique. Un polar hypnotique et vénéneux qui laisse entrevoir de manière somptueuse la « part maudite » de l'humanité.
« Jamais – vous le savez – ni mon sang ni ma tête n’ont pu tenir à une clôture exacte. » Ces mots de Sade, Albert Serra les a faits siens. Après Liberté, inspiré par le Divin Marquis, le cinéaste réalise un nouveau coup de maître avec Pacifiction. Ce long métrage hypnotique se déroule sur une île du Pacifique, un lieu confiné favorable à l’observation des passions. Benoît Magimel, magistral, y tient la tête d’affiche. Il incarne le Haut-commissaire de la République De Roller, un impénétrable représentant de l’État français en complet blanc. Il plonge dans la nuit de l’homme. Car dans ce paradis artificiel, les chimères sont décuplées. Les rapports de force s’y concentrent : la colère des uns, le désir des autres, le fantasme partout. L’imagination s’y déchaîne jusqu’à la perversion. Une rumeur enfle qui ferait de cette terre la cible de nouveaux essais nucléaires ; De Roller enquête. Ce Twin Peaks tropical a la paranoïa pour ressort. Qui dit vrai ? Qui est honnête et qui ne l’est pas ? Albert Serra rend cette question parfaitement indécidable. Il échappe à tout manichéisme pour faire du dégradé son art poétique. Ses images fantasmagoriques rendent la beauté du lagon presque inquiétante. Le Haut-commissaire lui-même est un voyeur inquiet, dont nous partageons les tourments et les fréquentations : un amiral énigmatique (Marc Susini, diablement équivoque) ; Cécile Guilbert, connaisseuse de Sade, dans son propre rôle d’écrivaine ; Sergi López en veste lamée, patron du Paradise. Dans ce club interlope, De Roller est pris du désir soudain de tout brûler, de tout anéantir. « Il n’est pas de sentiment qui jette dans l’exubérance avec plus de force que celui du néant », notait Georges Bataille dans L’Érotisme (1957). Cet épuisement général, cette dépense et cet excès inhérents à l’existence, que le philosophe appelle la « part maudite », le cinéaste en fait la matière d’un film crépusculaire et somptueux.
Son goût pour l’érotisme et sa fascination pour le sacrifice le classent parmi les penseurs sulfureux. Mais Georges Bataille est bien plus pour le…
Le cinéaste Albert Serra explore les ressorts du désir dans “Liberté”, un film sophistiqué inspiré de Sade.
C’est sur une petite île du Pacifique, au large de Taïwan, que nous avons rencontré cet homme étonnant. Pêcheur, anthropologue et écrivain, il…
Bataille n’a eu de cesse de dynamiter la philosophie, de mettre en miettes le bien, le juste, la mesure. Passé de l’autre côté du miroir, il est le penseur du mal, de l’excès, du négatif, de l’érotisme qu’il considère comme autant d…
Pascal aurait-il eu l‘intuition du vide quantique ? C'est ce que suggère le physicien et philosophe Étienne Klein. Celui qui écrivait que “l’homme…
Toute sa vie, l’auteur de la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies fut affecté de troubles psychiques singuliers. Dans la biographie de Pascal, le psychanalyste Michel Schneider repère les traces d’une angoisse du néant…
Ce terme désigne à Tahiti un enfant donné mais pas abandonné. De quoi éclairer sous un nouveau jour les théories des échanges.