Nietzsche vous souhaite une belle année 2021 !

L’année 2020 est derrière nous. Enfin ! Dire qu’elle a été cauchemardesque est un euphémisme, c’est pourquoi ce 1^er janvier 2021 a une saveur toute particulière. Pour une fois, peut-être, les vœux pour l’année qui s’annonce sont sincèrement – et fébrilement – porteurs d’un espoir de changement et de renouveau. Qu’on en finisse avec les crises et la grisaille ambiante ! Et que l’on écoute sagement Nietzsche, qui fait part, dans son Gai Savoir (1882), de cet enthousiasme fiévreux propre au lendemain du Réveillon. Au paragraphe 276 de ce livre aux redoutables fulgurances, le philosophe formule ses desiderata pour l’année 1882 (année de publication du livre) avec une ferveur qu’on ne lui a pas toujours connue.

« Je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui ! » Telle est la profession de foi de Nietzsche pour l’année qu’il voit naître. Dans ce texte enlevé, Nietzsche ne défend pas tant l’idée d’un « éternel retour » que celle d’une ode à la vie, qui nécessite en priorité de ne jamais céder à l’aigreur ni au ressentiment : « Je ne ferai pas de guerre contre la laideur ; je n’accuserai point, je n’accuserai pas même les accusateurs. Détourner le regard : que ceci soit ma seule négation ! » Écouter ses désirs, créer ses propres pensées et valeurs, sans passer son temps à scruter comment vivent ses semblables, telle est selon lui la clef de la santé retrouvée et de la gaieté.

C’est avec la même exaltation émue que la rédaction de Philosophie magazine vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2021 ! 

Ci-dessous, le § 276 du Gai Savoir en question :

« Pour le Nouvel An. – Je vis encore, je pense encore : il me faut encore vivre, car il me faut encore penser. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. Aujourd’hui, chacun se permet d’exprimer son désir, sa plus chère pensée : eh bien, je veux donc dire moi aussi ce qu’aujourd’hui je me souhaitais à moi-même et quelle sorte de pensée a été, cette année, la première à traverser mon cœur – quelle sorte de pensée me doit apporter la raison, le gage et la suavité de toute vie ultérieure ! Je veux apprendre de plus en plus à considérer la nécessité dans les choses comme le Beau en soi : ainsi je serai l’un de ceux qui embellissent les choses. Amor fati : que ceci soit désormais mon amour ! Je ne ferai pas de guerre contre la laideur ; je n’accuserai point, je n’accuserai pas même les accusateurs. Détourner le regard : que ceci soit ma seule négation ! Et, en tout et pour tout, et en grand : je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui. »

Le Gai Savoir (1882), §276. Mélange de traductions entre celles proposées par l’édition Folio et l’édition Encre marine.