Michel Delon : “Diderot remplace l’ordre divin par un monde en perpétuelle mutation”
Pour le spécialiste des Lumières Michel Delon, la Lettre sur les aveugles permet de dépasser la querelle entre rationalisme et idéalisme. Pour Diderot, c’est l’expérience qui prime et qui remet en question nos certitudes les mieux établies.
« Les premiers écrits de Diderot philosophe sont marqués par la discontinuité : des traductions de l’anglais où il intervient sous la forme de notes, des Pensées philosophiques qui ne cherchent pas à produire un discours cohérent et suivi. Le format de la lettre, tout comme celui des entretiens ou des dialogues, introduit le lecteur à une démarche de réflexion sans jamais lui donner le modèle rigide d’une réflexion linéaire qui irait d’une hypothèse à une conclusion. Il jette son lecteur à l’eau sans prendre la peine de lui apprendre d’abord à nager. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une vertu pédagogique.
Diderot propose une philosophie qui s’adresse à des non-spécialistes. On a beaucoup glosé sur l’identité de la femme à laquelle il écrit sa Lettre sur les aveugles. Mais au fond, cela importe peu. Ce qui compte, c’est qu’elle n’est pas une philosophe de profession. Elle s’intéresse à l’actualité, scientifique et médicale en l’occurrence – celle d’une opération de la cataracte, une prouesse à l’époque, dont Diderot lui rend compte. La lettre autorise une démarche qui n’est pas purement abstraite, elle permet des digressions et des ruptures. Diderot dit lui-même qu’il écrit « sans ordre ». Pour un texte philosophique, c’est assez osé.
La Lettre sur les aveugles marque le passage d’une ère rationaliste à une ère moins méfiante envers les sens. Le XVIIe siècle posait que la raison – le bon sens partagé par tous – était indépendante de nos sens. Pour penser juste, il fallait prendre le contre-pied de potentielles erreurs envoyées par nos yeux, nos oreilles ou notre peau. Dans cette perspective, la vue, considérée comme le plus fiable des sens, était toutefois placée tout en haut de la hiérarchie. La raison ressemble en effet à une paire d’yeux qui nous permet de surplomber le réel et de l’expliquer. L’empirisme considère au contraire l’être humain comme une table rase sans raison antérieure à l’expérience – c’est ce que veut montrer l’empiriste anglais John Locke dans l’Essai sur l’entendement humain [1690] –, qui se développe ensuite à partir d’une collection de sensations et d’expériences.
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