Michaël Fœssel : une lutte sans fin contre le mal
Vengeance, justice, pardon : autant de voies pour surmonter le mal explorées ici par le philosophe Michaël Fœssel, qui met en garde contre un fantasme : celui de l’éradication totale du mal, laquelle n’irait pas sans l’abolition de la liberté. Aussi la lutte contre le mal peut-elle être exaltante : œuvre de sujets libres, elle est source de solidarités.
Comment réparer le mal subi ? Par la vengeance ? Par la justice ?
Michaël Fœssel – La vengeance est la première expression, subjective, d’une demande de justice. Sa logique, que l’on appelle logique de la rétribution, inscrit déjà une forme de rationalisation dans le phénomène du mal. On cite la loi du Talion, « œil pour œil, dent pour dent » ; mais on oublie souvent qu’elle signifie : « pas plus d’un œil pour un œil, pas plus d’une dent pour une dent ». Il y a dans la raison une exigence de rééquilibrer, de compenser une souffrance par une peine équivalente.
La justice rétributive, de manière analogue, produit un mal ; elle répond au mal par le mal. Toute une série de considérations peut amener à penser que l’avantage de cette justice est surtout défensif : on essaie de dissuader par la peur celui qui s’apprête à commettre un crime. Mais en réalité, il y a là une exigence qui consiste à retrouver un équilibre, si l’on part du principe que le crime est un mal qui a remis en cause l’ordre légal. C’est une demande de rétablir une relation de symétrie qui a été rompue. La différence fondamentale avec la vengeance, c’est que la justice introduit le point de vue du tiers : ce n’est pas la victime qui décide de la peine mais le juge, celui qui porte sur le mal un discours objectif et distancié. Le juge qualifie la souffrance subie comme injustice.
"La justice introduit le point de vue du tiers : ce n’est pas la victime qui décide de la peine, mais le juge"
On a évidemment beaucoup évolué sur cette question de la rétribution, parce que le statut de la victime a profondément changé, en particulier depuis le milieu du XXe siècle et des crimes politiques de masse. On a tendance, aujourd’hui, à considérer que la justice doit d’abord se rendre au nom de la victime plutôt qu’au nom de la société. Au-delà de cette logique de rétribution à laquelle on peut reprocher de rejouer le mal en permanence, s’est imposée une logique de la réparation par rapport à laquelle il s’agit moins de répondre à l’acte qui a été commis que de répondre à la souffrance ou au deuil subis par la victime.
La commission Vérité et Réconciliation mise en place en 1995 en Afrique du Sud pour surmonter les blessures de l’apartheid est-elle un exemple de cette justice réparatrice ?
Si, étymologiquement, la justice et le droit sont très proches (jus, juris, qui donne l’adjectif « juridique »), la justice est aussi une catégorie morale et même, chez les anciens, une vertu. Nous pouvons tous être révoltés…
Vu de France, Emmanuel Kant est, par excellence, le philosophe qui apporte les Lumières au genre humain, l’homme qui fait triompher la raison…
En pleine campagne présidentielle, nous avons proposé au candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon de dialoguer avec le philosophe…
Selon le philosophe Michaël Fœssel, les collapsologues, en évoquant la fin du monde, nous condamneraient à la fin de la politique. Pour lui, la perspective de l’effondrement devrait plutôt donner l’occasion de la réinventer.
Noctambule avoué, le philosophe Michaël Fœssel entretient un rapport conflictuel avec le sommeil, à l’instar de tous les philosophes rationalistes qui tendent à lui préférer l’état de veille. Mais en voulant être toujours actif et…
Les philosophes Michaël Fœssel et Susan Neiman osent employer les catégories de « bien » et de « mal » dans une perspective…
À l’instar des personnages tourmentés qu’elle incarne à l’écran, Virginie Efira cultive la mobilité et la perméabilité des émotions qui sont pour…
Avant de spéculer sur le monde d’après et la sagesse qui sera la nôtre après cette crise majeure… regardons avec quelle aisance et quelle…