Mépris et arrogance : quelles différences ?

Le mépris, une indifférence haineuse

De prime abord, le mépris ressemble à de l’indifférence. Celui qui est méprisant n’en veut pas directement à ceux et ce qu’il méprise. Il ne ressent pas d’animosité ni de méchanceté foncière à leur égard. C’est cette première définition du mépris que propose le philosophe Thomas Hobbes dans Léviathan (1651). « Ces choses pour lesquelles nous n’éprouvons ni désir ni haine, nous disons que nous les méprisons », explique-t-il. Mais peut-il vraiment y avoir des choses – et nous rajouterons des personnes – pour lesquelles on ne ressent absolument rien ? Oui selon Hobbes, et cela « vient du fait que le cœur est déjà mis autrement en mouvement, par des objets plus puissants ». Le mépris est dirigé vers l’impuissant, entendu comme celui qui n’agit pas sur moi, ni en mal, ni en bien. Celui que je méprise est celui qui ne me fait ni chaud ni froid.

Mais le terme de mépris désigne également « le mauvais prix ». À l’origine, celui qui se « mé-prend » est celui qui conclut une mauvaise affaire. C’est cette autre définition du mépris comme mauvais jugement, et déconsidération, que propose Vladimir Jankélévitch dans sa Philosophie morale. Le mépris est selon lui « la haine inexplicable du supérieur pour l’inférieur ». Contrairement à ce qu’affirme Hobbes, l’objet de mon mépris me procure un sentiment de dégoût qui peut aller jusqu’à la haine. En revanche – et c’est ce qui peut porter à confusion –, cette haine se manifeste par une absence d’action. Je ne vais pas insulter, ni même blâmer celui qui je méprise : je vais d’abord me contenter de l’ignorer. « Le mépris implique une volonté d’abstention », explique Jankélévitch. « Ne pas regarder, ne pas adresser la parole, ne pas toucher, voilà quelques-unes des conduites abstentionnistes du mépris : le méprisant se déclare satisfait s’il ne rencontre pas son intouchable, ne lui serre pas la main, ne l’appelle pas par son nom. » Le mépris est une haine qui invisibilise l’autre. C’est ceux dont le président ne parle pas, ou pas assez, qui auront tendance à dénoncer son mépris. Celui-ci peut être vécu, par ceux qui en sont victimes, comme une absence radicale de reconnaissance : un déni de dignité.