Matière à penser / septembre 2015

Un occident incrédule dans un monde de foi

« La clé de l’histoire universelle nous a été donnée avec le christianisme », écrivait Hegel dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire (1837). Rien n’est moins sûr à lire la dernière grande étude du Pew Research Center, The Future of World Religions, réalisée en partenariat avec la Templeton Fundation – d’obédience protestante – et destinée à dessiner l’évolution du monde des religions d’ici 2050. En se basant sur quatre grandes variables – le taux de fertilité, l’âge des populations, le taux des conversions et les migrations –, l’enquête fait apparaître deux grandes tendances : d’abord, une croissance exceptionnelle de l’islam (+ 73 %) qui va croître deux fois plus vite que la population mondiale (+ 35 %) et s’imposer comme une religion mondiale, aussi importante que la religion chrétienne et sans doute plus encore à l’horizon 2100 ; ensuite, le déclin relatif des incroyants, regroupés ici dans le groupe des non-affiliés comprenant athées, agnostiques et ceux ne s’identifiant à aucune religion : en 2050, ils seront 61 millions de plus mais ne représenteront plus que 13 % de la population mondiale (contre 16 % aujourd’hui).

Dans cette diversification des croyances, l’Europe, et la France en particulier, font exception : dans l’Hexagone, les non-affiliés devraient voir leur poids doubler (passant de 28 % à 44 %) pour devenir le groupe majoritaire, devant les chrétiens (43 %). Mouvement également sensible aux États-Unis où les chrétiens qui représentaient les trois quarts de la population ne seront plus que deux tiers. C’est sur le continent africain que le christianisme gagne les esprits : 38 % des chrétiens vivront en Afrique subsaharienne en 2050 contre 16 % en Europe. Pour mesurer le changement, il faut rappeler qu’il y a un siècle, en 1910, 66 % des chrétiens du monde étaient en Europe. L’Asie, elle, suit des chemins contrastés : alors qu’à Hong Kong et au Japon, on devrait voir l’incroyance atteindre des niveaux inégalés de près de 60 %, la Chine pourrait voir le nombre de chrétiens exploser, alors que celui des bouddhistes resterait le même (20 %). Chiffre intéressant dans ce mouvement des esprits : les flux de conversions. Le christianisme connaîtra une diminution de 66 millions de croyants (106 millions de sortants pour 40 millions d’entrants). Chose étonnante, le bouddhisme, qui est l’objet d’un intérêt grandissant en Occident, perdrait 3 millions de fidèles, tandis que l’islam compterait 3 millions de convertis. L’enseignement général de cette étude est clair : l’Occident ne donne plus son rythme à la croyance mondiale. Alors que l’incroyance progresse en Europe, en Amérique et à la pointe de l’Asie, partout ailleurs, les religions, dans leur multiplicité, se révèlent beaucoup plus « résilientes » que ce qu’on avait prévu, comme le concluent les auteurs de l’étude.