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Le major-général Christopher Donahue est le dernier soldat américain à avoir quitté l'Afghanistan, le 30 août 2021. © US army / Reuters

International

Les États-Unis face au dilemme des guerres ingagnables

Jean-Marie Pottier publié le 10 septembre 2021 3 min

Vingt ans après les attentats du 11-Septembre, la décision de Joe Biden de retirer ses dernières troupes d’Afghanistan a ranimé, parmi les intellectuels américains, la question suivante : dans quelles conditions est-il juste, pour un pays, de se retirer d’un conflit qu’il n’a peut-être pas perdu au sens conventionnel du terme mais dans lequel il ne peut clairement pas clamer victoire, et, surtout, qui n’apparaît pas gagnable ? 

On parle parfois, à propos de cette réflexion éthique sur les bourbiers militaires, de l’esquisse d’un jus ex bello ou jus terminatio : il ne s’agit pas de déterminer la justice de l’entrée en guerre, des combats ou de la négociation de la paix mais de réfléchir aux critères moraux d’un abandon du conflit. 

Une réflexion qui, comme l’écrivait en 2017 le politiste Dominic Tierney dans un article sur l’« éthique des guerres ingagnables », se déploie le plus souvent dans une « zone grise » faite d’arbitrages entre « une perte limitée et une perte plus grande », de gestion d’une « laide stabilité » et d’un « ordre imparfait qui protège les intérêts et valeurs centraux ». 

La guerre en Afghanistan permet de l’illustrer à partir de trois métaphores souvent utilisées : le magasin de porcelaine, le triage et le sauvetage en montagne.

 

  • La première de ces métaphores s’inscrit dans une optique plutôt « idéaliste » des relations internationales, qui accorde la priorité aux objectifs moraux de la politique étrangère sur l’état des rapports de forces : on l’appelle la « Pottery Barn rule », la « règle du magasin de porcelaine ». Souvent attribuée (de manière apocryphe, s’agissant de son nom) à l’ancien secrétaire d’État de George W. Bush Colin Powell au moment de la guerre en Irak, elle s’inspire du règlement de cette chaîne de magasins : « Si vous cassez, vous achetez. » Si vous restructurez un pays pour y imposer la démocratie, vous pouvez difficilement justifier de le quitter si cette dernière y est à terre (même si, comme le notent certains observateurs, son était n’était sans doute pas meilleur avant l’automne 2001). Comme l’écrivait fin août le professeur de philosophie Michael Blake dans une tribune sur la décision de Joe Biden, « si vous vous êtes placé en position de domination sur d’autres personnes, vous en êtes responsable et vous devriez avoir sur la conscience ce qui leur arrive ». 
  • Une autre métaphore souvent avancée à propos des guerres ingagnables s’inscrit dans la conception opposée des relations internationales, le réalisme : c’est celle du « triage », qu’on retrouve aussi utilisée lors des urgences sanitaires comme le Covid-19 quand il faut déterminer quels sont les patients à soigner en priorité et ceux qui ne pourront sans doute pas s’en sortir. Développée notamment par le chercheur russo-américain Nikolas Gvosdev, cette option se fonde sur une approche utilitaire, un calcul coûts/avantages : « Face à une population [afghane] d’environ 36 millions de personnes, il est nécessaire de se demander s’il s’agit de la meilleure utilisation possible d’une aide financière américaine qui n’est pas extensible, en comparaison d’autres régions du monde où le même montant pourrait laisser des centaines de millions de personnes dans une meilleure situation », écrivait-il en 2017 tout en insistant sur la nécessité pour les États-Unis d’obtenir des garanties sur la non-utilisation de l’Afghanistan comme base arrière du terrorisme et d’offrir une porte de sortie à ceux qui ne voudraient pas vivre sous un régime autoritaire.
  • L’éthique des guerres ingagnables se déploie donc dans une zone grise entre idéalisme et réalisme, que dessine bien une autre métaphore qui emprunte à ces deux valeurs, celle du sauvetage en montagne. Dans un livre publié en 2011,Can Intervention Work?, le chercheur, diplomate et député conservateur britannique Rory Stewart écrivait ainsi que la gestion des interventions extérieures était moins affaire de sagesse théorique que pratique et que sa complexité s’assimilait à celle du secours aux alpinistes en détresse : « Plutôt que s’obstiner à se concentrer sur un sauvetage nécessitant une grande ascension, le guide peut utiliser des fusées éclairantes, faire parvenir des protections et des tentes, faire venir des équipes depuis d’autres directions... » Et il doit toujours garder à l’esprit cette maxime des sauveteurs : « Soyez préparé à rebrousser chemin si les conditions se liguent contre vous. » Stewart, pourtant, n’était pas pour un retrait pur et simple d’Afghanistan et déplore aujourd’hui l’abandon du maintien d’une « empreinte légère » dans le pays, dans lequel il voit la fin d’une certaine ambition morale : les sauveteurs, en somme, ne croient plus en leur rôle.
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