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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Jungle de Solano, État de Caquetá (Colombie), le 9 juin 2023. Du personnel militaire et des Indigènes s’occupent des quatre enfants disparus après un accident d’avion mortel pour tous les adultes embarqués avec eux. © Service de presse des Forces armées colombiennes via AP/SIPA

Les enfants sauvages de Colombie : un aveu sur la nature humaine ?

Martin Legros publié le 12 juin 2023 4 min

« “Ils étaient seuls. Ils ont donné un exemple de survie absolue qui restera dans l’histoire”, a tweeté le président de la République de Colombie, Gustavo Petro, après qu’ont été retrouvés les quatre enfants qui ont survécu pendant 40 jours dans la jungle colombienne après un accident d’avion. Comment ont-ils traversé cette épreuve ? Et qu’est-ce qui fait que la confrontation d’enfants avec la vie sauvage nous fascine tant ?

“Maman est morte”, “J’ai faim”, ont été leurs premiers mots aux militaires venant les délivrer de leur calvaire. Ils sont quatre, tous mineurs, et ils viennent de passer 40 jours dans la forêt amazonienne de Colombie après avoir miraculeusement échappé à la mort dans le crash d’un petit avion qui les transportait d’Araracuara, un village de la communauté indigène Uitoto dont ils font partie, vers la ville de San José, fuyant les menaces d’une branche dissidente des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Ils sont jeunes, très jeunes : Lesly a 13 ans, Soleiny, 9 ans, Tien Noriel, 5 ans, et Cristin – 11 mois au moment de l’accident, avant d’avoir un an pendant cette épreuve ! Ils ont le visage émacié, leur corps est couvert de piqûres de moustiques, ils ont affronté la soif et la faim, mais aussi la pluie tropicale incessante et la menace des bêtes sauvages qui peuplent la forêt (anacondas, jaguars, pumas, mygales, etc.). Mais ils ont survécu. Ils vont désormais reprendre des forces auprès de leur famille à l’hôpital militaire de Bogota, où ils ont été transférés après avoir été hélitreuillés hors de la forêt. Les adultes qui les accompagnaient dans l’avion sont tous morts : le pilote du Cessna 206, le chef indigène et leur mère, qui a survécu quatre jours avec eux et leur a donné le courage de se battre pour leur survie (“Allez-y, partez ! Peut-être verrez-vous qui est votre père, et que vous connaîtrez ce qu’est l’amour d’un père, comme je vous l’ai montré”, leur aurait-elle dit). Ils ont été découverts après plus d’un mois à cinq kilomètres de l’accident alors que l’armée, en compagnie de dizaines d’indigènes de la tribu Uitolo, était mobilisée pour les retrouver. Les premiers jours, ils ont bu de l’eau de pluie et mangé de la farine de manioc trouvée dans la carlingue de l’avion. Ensuite, ils ont utilisé leur connaissance des fruits de la forêt tropicale. C’est Lesly, la fille aînée, qui prenait déjà soin d’eux dans la vie quotidienne, qui semble avoir dirigé leur errance dans la forêt. “Dès tout petits, les jeunes savent différencier les fruits et les choses à ne pas toucher, et ils ont une large connaissance visuelle des éléments qui sont dangereux. Ils savent reconnaître ce qui est comestible dès l’âge de 3-4 ans”, affirme un anthropologue. Mais ce qui fascine le plus est d’avoir réussi à maintenir en vie un nourrisson…

De Romulus et Rémus à Caspar Hauser ou Victor de l’Aveyron, porté à l’écran par François Truffaut, la figure, mythique ou réelle, de l’enfant sauvage, revenant à la vie civilisée après un long séjour dans la forêt, n’a cessé de fasciner les plus grands esprits. Dans son Essai sur les maladies de l’esprit (1764), Kant se penche ainsi sur le cas d’un enfant sauvage qu’il a rencontré à Königsberg, “qui a grandi dans les bois, qui a appris à braver les intempéries des saisons avec une résolution joyeuse” et qui semble plus éclairé que tous les enfants soumis à une éducation civilisée mais servile. Selon Lucienne Strivay, qui leur a consacré une très belle étude (Enfants sauvages. Approches anthropologiques, Gallimard, 2006), ceux-ci nous font miroiter une promesse philosophique en partie illusoire : celle de retrouver à travers eux “la voie des origines”. Comment avons-nous émergé sur fond d’animalité ? À quoi ressemblait la vie dans l’état de nature, avant la civilisation ? Et comment avons-nous dompté peu à peu l’adversité de la vie sauvage ? La connexion entre la forêt et l’arrachement à la sauvagerie est d’ailleurs inscrite dans la langue : “sauvage” vient du latin silva, qui dérive lui-même du grec hylè (ὕλη, la forêt), terme auquel Aristote a donné le sens philosophique de “matière”. Dans la Modernité, où les récits historiques supplantent les récits mythiques, on attend du témoignage de l’enfant-sauvage “un aveu sur la nature humaine”. Si ces enfants ne peuvent nous dire ce qu’est l’homme de la nature, ils nous révèlent, selon Strivay, la capacité sidérante du petit d’homme à s’adapter, à se débrouiller dans un environnement hostile et acquérir certains comportements animaux tout en développant des compétences en communication non verbale.

Avec les 40 jours dans la jungle de ces enfants colombiens, un élément nouveau est néanmoins apparu, qui redouble sans doute notre fascination. Outre qu’ils sont plus jeunes que tous les cas historiques connus jusqu’à ce jour, ces quatre-là ont plongé ensemble dans la vie sauvage. Et c’est probablement ce qui les a sauvés. Mais c’est aussi ce dont nous attendons dorénavant un enseignement : qu’est-ce que l’expérience collective de la vie sauvage ? Voilà l’une des nouvelles questions que nous pourrons dorénavant poser à l’enfant sauvage. Il incarne peut-être la possibilité d’une coopération antérieure à toute forme de civilisation. Mais à cet égard, comme le remarque Strivay, tous les enfants ne sont-ils pas un peu sauvages ? »

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