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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Livre

Les bonnes feuilles du “Monde à la première personne”

Frédéric Manzini publié le 23 septembre 2021 11 min

Attaché au caractère généraliste de la philosophie, Francis Wolff veut certes rendre raison de tout, fonder une nouvelle ontologie et une nouvelle éthique humaniste… mais avec une prédilection pour les expériences qui semblent les plus rebelles au concept, comme la musique ou l’amour. Nous proposons de donner un aperçu de l’homme et de son œuvre à travers six morceaux choisis extraits de son ouvrage Le Monde à la première personne. Entretiens avec André Comte-Sponville (Fayard, 2021).

I. Une famille presque ordinaire

Né à Ivry-sur-Seine et ayant grandi à Puteaux au sein d’une famille de commerçants, Francis Wolff a vécu une enfance presque ordinaire. Sauf que cette famille est une famille juive rescapée du nazisme et que son père est originaire de la Sarre, qu’il a quittée pour la France au milieu des années 1930...

 

« Apparemment nous sommes français, autant que mes copains Patrick L. et Michel P. qui habitent au 32, mais, en réalité (il ne faut surtout pas le dire !), nous sommes des Juifs allemands. Pour des raisons qui aujourd’hui ne font plus sens et qui semblent même contradictoires, nous n’avons, nous les enfants, le droit de nous dire ni juifs, ni allemands. Allemands ? Comment le nier ? Ça s’entend tellement dès que mon père ouvre la bouche. Mais quand même, on nie. Farouchement. Wolff ? Un nom lorrain ! [...] Et juif ? Ça veut dire quoi pour le Putéolien de 9 ans qui fait du patin à roulettes dans la rue Paul-Lafargue ? Être juif, ça veut dire entendre sa mère hurler ses cauchemars la nuit. Ça veut dire qu’on téléphone après la fermeture de la boutique aux cousins du Luxembourg qui vous rappellent qu’il y a eu ou qu’il va y avoir une “grande fête” : eux le savent, mais nous, nous l’ignorons, par exemple Pessah ou Rosh Hashana (mais chez nous, Ashkénazes, on dit quelque chose comme “rochochone”, c’est du moins ce que je crois entendre). Être juif, c’est aller tous les ans pleurer à la synagogue de la rue de la Victoire, en écoutant, debout, le discours du grand rabbin Kaplan “à la mémoire de nos déportés”. Être juif, c’est brusquement parler à voix basse quand des “amis” du quartier, Juifs aussi et pratiquants, eux, entrent dans la boutique et passent discrètement à ma mère une adresse pour que ma sœur aille dans une colo “juive”. Mais c’est tout. Pas de religion, pas de rite, pas de repas cacher, pas de mezouza à la porte (ça viendra plus tard), pas de Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, tout juste un “bon dieu” qu’il convient d’invoquer dans nos vagues prières du soir, et qui selon mon père est habilité à nous punir quand nous avons fait quelque chose de mal »

 

(pp. 32-33)

II. L’expérience brésilienne : un tournant décisif

Après avoir brillamment réussi ses études et s’être lancé dans le professorat de philosophie, Francis Wolff a occupé pendant quatre ans la chaire de « philosophie ancienne » à l’université de São Paulo. Une expérience qui a profondément marqué son rapport à l’enseignement et à la politique.

 

« Le Brésil a changé mon regard, et pas seulement sur la philosophie. Sur tout. Sur l’amitié, la musique, les arts populaires, le football, la division de la société en classes. Sur le monde quand on le voit d’ailleurs. Sur ce qui se fait et ne se fait pas : on pense différemment lorsqu’on côtoie la misère. Sur la politique : en 1980, la France allait connaître enfin l’alternance, mais le Brésil sortait de la dictature militaire. (J’ai souvent dit en plaisantant que j’étais sans doute arrivé de Paris par le même vol que les réfugiés politiques amnistiés de retour au pays.) Sur les libertés dont, pour la première fois, j’ai mesuré le prix : non, tout ne se ramène pas au social. Mais évidemment aussi sur “le social” : sur ce qu’est une vie de débrouille sans cesse pressée par la nécessité et donc sur la frontière entre l’essentiel et l’accessoire. Sur la démocratie, dont je découvre le concept, alors même qu’il ne m’avait jamais intéressé ni personne de ma connaissance (c’est d’ailleurs au Brésil que je rencontre Castoriadis, qui deviendra un ami), comme si la politique nous avait jusque là occulté la réalité des rapports politiques. J’ai vécu là-bas les immenses manifestations revendiquant des élections directes (“Diretas já !”). On disait du peuple brésilien ce qu’on avait dit quelques années plus tôt du peuple espagnol : qu’il n’avait jamais connu la démocratie et qu’il n’était donc pas “mûr” pour en mesurer les attendus et les bienfaits, tandis que nous, les Français, du haut de nos trois révolutions et de nos cinq républiques, blabla… En quelques années, les Espagnols, et puis les Brésiliens, nous montraient ce qu’est une conscience démocratique. (Tu imagines donc comme j’ai pleuré lors de l’élection de Bolsonaro !) Sur l’enseignement de la philosophie aussi, mon regard a changé : on l’envisage différemment lorsqu’on l’enseigne le soir, de 19 heures à 23 heures, à des étudiants enthousiastes qui ont travaillé dix heures dans la journée et ont dû prendre trois bus pour arriver au campus. Sur la France : on la voit autrement lorsque, les yeux encore émerveillés du courage d’un peuple qui se bat au quotidien pour exister, et pas seulement pour vivre, qui aspire pour cela à tout apprendre et à tout comprendre, on la retrouve une fois par an morose et vieillissante ; qu’on y rencontre d’anciens amis grincheux se plaignant du “gouvernement socialiste” sourd à leurs légitimes revendications ou qu’on y croise des collègues enflammés, mobilisés contre telle commission ministérielle qui a osé modifier certaines notions du sacro-saint programme de philosophie des terminales (“Il faut que cette attaque sans précédent contre la philosophie cesse immédiatement !”) et vous conjurent de signer leur pétition pleine de points d’exclamation » 

Notre recension du livre, parue dans le numéro 153 de “Philosophie magazine“
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