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Serpent de mer du genre “Aipysurus laevis”. © John Turnbull/Flickr/Creative Commons

Éthologie

Le serpent de mer et l’homme

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 septembre 2021 3 min

Aipysurus laevis, un serpent marin d’Océanie, n’attaquerait pas les nageurs… mais essaierait de les séduire ! C’est la conclusion d’une étude parue dans la revue Nature (en anglais). « Une erreur d’identité lors d’interactions sexuelles », résument les auteurs, qui ont constaté une augmentation notable des attaques lors de la période de reproduction (de mai à août).

À vrai dire, le serpent australien est loin d’être le seul animal à tenter de s’accoupler avec des humains : dauphins, otaries, ou même tortues de mer (!) n’hésitent parfois pas à nous poursuivre de leurs assiduités. Un problème de reconnaissance, en somme, qui pose la question des contours même des espèces. 

 

  • Reconnaissance. Par le dysfonctionnement qu’il paraît manifester, le comportement incohérent du serpent de mer australien met en évidence un trait fondamental du vivant : le besoin de reconnaître ses congénères. L’éthologie parle, plus précisément, de « reconnaissance spécifique » (en jouant sur le lien étymologique entre « spécifique » et « espèce »). Tout animal – sexué, du moins – doit être capable, au sein de son environnement, d’identifier les autres créatures avec lesquelles il est susceptible de s’accoupler. Visuellement, bien sûr, mais pas uniquement. Aipysurus laevis, par exemple, s’enroule autour de potentiels partenaires pour pouvoir les lécher, les « goûter ». Comme le note le biologiste Rick Shine, « les serpents se fient principalement à l’odeur, non à la vision, pour déterminer ce qui se passe dans le monde qui les entoure ». C’est au contraire l’ouïe qui joue, chez la plupart des oiseaux, un rôle déterminant : des espèces parfois très proches se distinguent et se reconnaissent avant tout par leur chant (lire notre article).
  • Espèce. Il faut même aller plus loin, selon le biologiste Hugh E. H. Paterson. Dans Evolution and the Recognition Concept of Species (1993), il propose de considérer le « système de reconnaissance spécifique en vue de l’accouplement » comme le critère même de définition de l’espèce (plutôt que de considérer l’espèce du strict point de vue biologique). Pour résumer : ce n’est pas parce que des individus appartiennent à la même espèce qu’ils se reconnaissent, mais parce qu’ils se reconnaissent que l’on peut dire qu’ils appartiennent à une même espèce.
  • Évolution. La thèse de Paterson repose ainsi, à nouveaux frais, la question de l’évolution – et plus précisément celle de la sélection naturelle. Dans l’imaginaire collectif, la femelle « choisit » les mâles ayant développé les caractéristiques les plus avantageuses, ce qui, en leur interdisant la reproduction, élimine de facto les individus aux caractères défavorables. Mais encore faut-il que la femelle puisse reconnaitre le mâle comme un partenaire potentiel, et inversement ! Les traits évolutifs n’ont pas en eux-mêmes de valeur. Ces traits sont relationnels ; ils dépendent de leur perception par d’autres individus. Et en particulier de leur influence, positive ou négative, sur le système de reconnaissance. L’évolution est intimement liée au perfectionnement d’une capacité partagée d’identification, par laquelle une espèce tend à se distinguer et s’isoler des autres. En ce sens, ce ne sont pas (seulement) les plus forts qui survivent, mais les plus reconnaissables – les individus les plus capables de nouer des liens avec leurs congénères. Par conséquent, il faut aussi noter que la capacité de reconnaissance, puisqu’elle est évolutive, n’est jamais infaillible, et qu’elle admet des erreurs, des échecs, des écarts. 
  • Contexte. Que dire, alors, de notre petit serpent de mer qui confond des nageurs humains avec d’autres reptiles marins ? Sans doute faut-il admettre que son système de reconnaissance n’est pas des plus performants. Le fait qu’il ne passe pas principalement par la vision – en l’occurrence, qu’il doive s’approcher et toucher l’autre pour le reconnaître – constitue manifestement une dépense inutile d’énergie. Mais il faut aussi souligner qu’un système de reconnaissance est toujours contextuel : reconnaître, c’est toujours discriminer par rapport à d’autres individus eux-mêmes reconnus comme autres. L’irruption de nouveaux individus – des nageurs, par exemple, peu fréquents dans les eaux de la Grande Barrière de corail – est très certainement à même de brouiller la logique d’identification d’Aipysurus laevis.
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