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© Abbie Bernet/Unsplash

Vie quotidienne

“Le repos, ça se mérite !” Vraiment ?

Clara Degiovanni publié le 24 juin 2021 3 min

« Il a pris des vacances bien méritées. » D’apparence anodine, cette phrase on ne peut plus banale en dit pourtant long sur notre manière d’envisager le repos. Il serait quelque chose qui se mérite, c’est-à-dire une récompense qui s’obtient, voire se conquiert seulement après avoir suffisamment travaillé. De la petite pause-café pour mieux redémarrer en passant par la quinzaine de vacances d’été jusqu’à la retraite : tous ces moments de repos sont accordés (par soi-même, par l’employeur, par l’État). Ils sont, à ce titre, indissociables du travail qui les a précédé et justifié. Mais le repos ne peut-il pas avoir une valeur propre, absolue, indépendante du travail fourni ou supposé ? Ne peut-on pas dissocier le droit au repos du devoir de travailler ?

La réponse de trois philosophes (plus ou moins) laborieux : Kant, Marx et Lafargue.

 

  • Kant : le repos ça se mérite ! Pour Emmanuel Kant, pas de doute : le vrai repos est la récompense du travail bien fait. Et gare à ceux qui se livrent à l’oisiveté sans l’avoir méritée. Dans ses Réflexions sur l’éducation (publiées en 1803), le philosophe allemand envisage le repos comme une espèce de drogue dont il ne faut pas trop user car moins on en fait… moins on a envie d’en faire. « C’est […] un malheur bien assez grand pour l’homme que d’être si enclin à l’inactivité. Plus un homme s’est adonné à la paresse, plus il est difficile de s’adonner à travailler. » Et à l’inverse, travailler est un besoin vital : « L’homme a besoin d’occupations, et même de celles qui impliquent une certaine contrainte. » La fatigue qui résulte de l’activité professionnelle permet ensuite de profiter d’un sommeil agréable et réparateur, car « le meilleur repos est celui qui suit le travail ». Bref, il faut travailler plus pour dormir mieux ! On l’aura compris, pour Kant, le travail, c’est la santé… rien faire, c’est la ruiner.
  • Marx : le repos « mérité » n’est pas du vrai repos. Dans Le Capital (1867) Karl Marx considère à l’inverse que voir le repos comme résultat et récompense du travail fourni est un piège capitaliste. Ce repos-là n’en est pas vraiment : il est plutôt une manière de renouveler sa force de travail, de faire en sorte d’être plus performant quand on retourne au boulot. Dans « l’idéologie capitaliste », la nuit de sommeil est ainsi intégrée dans les 24 heures de la journée du travailleur. Car sans cette pause minimale, « la force de travail refuse absolument de reprendre son service ». Aujourd’hui, cette manière de penser le repos uniquement comme un moyen de recharger les batteries peut prendre des formes pernicieuses. Dans les métiers créatifs par exemple, partir seulement pour retrouver l’inspiration est déjà une manière de travailler par anticipation. Le repos est ainsi travesti, intégré à une stratégie professionnelle. Il est, nous dit Marx, « incorporé au procès même de la production. » Le capital, en effaçant la frontière entre travail et vacances, supprime ainsi le vrai repos et « vole le temps qui devrait être employé à respirer l’air libre et à jouir de la lumière du soleil. » Reposez vous mieux… mais pas pour travailler plus !
  • Lafargue : le repos est un droit fondamental qui ne se « mérite » jamais. Selon l’écrivain socialiste Paul Lafargue (qui est aussi le gendre de Marx) le repos n’est jamais une récompense car il a une valeur absolue. Il est un droit fondamental, un besoin vital qui ne doit résulter d’aucun devoir préalable. En 1883, il publie donc Le Droit à la paresse : une qualité essentielle, qu’il considère comme une « vertu » à la fois « noble et sacrée ». Selon lui, il convient donc de limiter au maximum – 3 heures par jour – le « passion moribonde » du travail : pour « fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. » Lafargue va même jusqu’à inverser les choses : ce n’est pas le repos qui doit ponctuer le temps de travail, mais le travail qui doit devenir « un condiment des plaisirs de la paresse », une sorte de cerise sur le gâteau, pas trop fatigante et peu encombrante. Il s’agit donc de travailler beaucoup moins, pour glander plus – et surtout, pour glander mieux ! Car le repos est un art et il n’a pas de prix. Si vous avez la chance d’en avoir, on vous souhaite donc de bonnes vacances… en espérant qu’elles ne sont pas « méritées ».
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