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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Miro et Lucy, les acteurs de Dirty Feet (2018), de la réalisatrice suédoise féministe Erika Lust, sont un vrai couple à la ville. Le film est disponible sur la plateforme XConfessions. © Ed Alcock / M.Y.O.P. (Série Feminist Pornography)

Enquête

Le porno peut-il être éthique ?

Victorine de Oliveira publié le 16 février 2023 16 min

La question a tout d’un paradoxe, alors que les plateformes gratuites de vidéos X sont accusées de véhiculer des stéréotypes sexistes, de banaliser les violences faites aux femmes et de participer à leur exploitation. Pourtant, des alternatives existent qui tentent de concilier ambitions créatives, déontologie et respect de la personne.

 

« J’ai toujours eu envie d’un homme qui soit assez homme pour me laisser conduire. Et pour se laisser aller. Et pour me laisser le prendre » : c’est sur ces quelques lignes aussi mystérieuses qu’explicites que démarre The Bitchhiker, court métrage porno d’Olympe de G., réalisatrice et actrice française. On y voit cette dernière à moto prendre en auto-stop un homme sur le bord de la route. Elle lui demande d’enlever ses vêtements, il s’exécute et monte derrière elle. Quelques minutes plus tard, on les retrouve dans un hangar désaffecté où se produit à peu près ce qu’on attend d’un film X. Puis Olympe de G. s’équipe d’un accessoire, et c’est au tour de l’acteur d’être pénétré. Moins attendu, surtout quand il s’agit d’hétérosexualité.

Si vous cherchez le film d’Olympe de G., vous ne le trouverez pas sur les plateformes gratuites dédiées au porno, du type YouPorn ou Pornhub, qui sont parmi les cinquante sites les plus consultés au monde. Faire un tour sur ce qu’on appelle ces tubes, c’est se retrouver assez vite noyé sous une masse de contenus rangés par catégorie qui fleurent bon le mâle hétérosexuel en quête de jouissance rapide : « Adolescentes » fait ainsi partie des catégories les plus tendance de YouPorn, de même qu’« Interracial » ou encore « Amateur », qui implique des vidéos à l’origine et aux conditions de tournage inconnues. Les tubes ont été largement condamnés par un rapport d’information publié en septembre dernier par les sénatrices Annick Billon, Alexandra Borchio-Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, en raison de leur modèle économique et de leur accès non contrôlé pour les mineurs, mais aussi de leur propension à générer « des violences systémiques envers les femmes de façon générale, que ce soit celles qui se retrouvent dans ces productions comme celles qui subissent une sexualité calquée sur les normes de violences véhiculées par le porno ».

 

Une goutte d’eau dans l’océan ?

Pour voir The Bitchhiker, il faudra vous rendre sur une plateforme payante qui a tous les airs de Netflix, si ce n’est qu’on y trouve seulement des films « pour adultes ». Fondée en 2013 par la réalisatrice suédoise Erika Lust, XConfessions se veut la vitrine d’une production alternative, qui respecte des valeurs féministes et une certaine éthique. Pour commencer, on vous demande de « pay for your porn » (« payer pour votre porno »), ce que des millions d’internautes n’ont plus l’habitude de faire depuis le développement massif des tubes. Résultat : la production alternative de porno est marginalisée, quand la production mainstream atteint des sommets de violence, d’absence de créativité et de reproduction des stéréotypes sexistes.

“Ce type de productions, extrêmement minoritaires sur le marché de la pornographie, et par ailleurs marginales en termes de public consommateur, ne constitue que l’arbre qui cache l’immense forêt des violences pornographiques aujourd’hui”
Rapport d’information du Sénat sur la pornographie publié en septembre 2022

 

À en croire le rapport sénatorial, l’univers de la pornographie, sans distinction, est responsable de la banalisation des violences faites aux femmes et de leur exploitation à des fins de marché. Et les sénatrices ne se montrent pas moins sévères à l’égard de la pornographie dite alternative ou « éthique », qu’elles considèrent comme « une goutte d’eau dans un océan de violence ». Bien qu’attentives au bien-être des acteurs, à leur santé (via des tests de dépistage réguliers) et à une écriture qui cherche à diversifier les points de vue, « ce type de productions, extrêmement minoritaires sur le marché de la pornographie, et par ailleurs marginales en termes de public consommateur, ne constitue que l’arbre qui cache l’immense forêt des violences pornographiques aujourd’hui », affirment les sénatrices. Ces violences, martèlent-elles, ne sont pas « des dérives » mais « revêtent un caractère systémique ».

Forcément coupable, le porno ? Un autre rapport, publié cette fois par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes le 23 janvier dernier, en remet une couche : l’une des raisons de la persistance des stéréotypes sexistes, notamment chez les hommes de moins de 35 ans, tiendrait à leur consommation de porno, puisqu’un tout petit peu moins de la moitié d’entre eux (48 %) « considèrent que l’image des femmes véhiculée par les contenus pornographiques est problématique ». Est-ce à dire que pornographie et éthique sont forcément incompatibles ? Que le sexe, à partir du moment où il obéit aux contraintes d’un tournage, ne peut signifier qu’aliénation et violence, pour les femmes notamment ?

 

La croisade des abolitionnistes

La question n’est pas neuve et a déjà agité philosophes et juristes outre-Atlantique dans les années 1980. Jusque-là, la pornographie était critiquée et réprimée pour sa supposée tendance à corrompre les mœurs, du fait de son obscénité et de son absence de valeur artistique – critères juridiquement difficiles à définir. L’avocate Catharine MacKinnon et la philosophe Andrea Dworkin s’associent pour proposer un motif inédit de condamnation de la pornographie : le tort causé aux femmes. Dans un projet d’ordonnance visant à l’interdire rédigé en 1983, elles définissent la pornographie comme « l’asservissement sexuel des femmes par des images ou par des mots qui les représentent comme des objets prenant plaisir à être humiliées, battues, violées, dégradées, avilies, torturées, réduites à des parties de leur corps, placées dans des postures serviles de soumission ou d’exhibition ». Elles cherchent ainsi à inscrire les productions pornographiques dans un contexte plus général de domination patriarcale, en soulignant qu’elles véhiculent une représentation dégradante des femmes, en les privant de leur autonomie et de leur parole. Dans une conférence prononcée également en 1983 à l’université du Minnesota, MacKinnon développe : « La pornographie est une forme de sexualité imposée, la mise en pratique d’une politique sexuelle, une institution de l’inégalité de genre. […] Avec le viol et la prostitution, auxquels elle contribue, la pornographie institutionnalise la sexualité de la suprématie masculine, qui fait fusionner érotisation de la domination et de la soumission et construction sociale des hommes et des femmes. Le genre est sexuel. La pornographie donne le sens de cette sexualité. Les hommes traitent les femmes en fonction de la vision qu’ils ont d’elles. La pornographie construit cette vision. Le pouvoir des hommes sur les femmes signifie que la façon dont ils les voient définit ce qu’elles sont. La pornographie est cette façon de les voir. »

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