Le moi, l’amour, la justice : autant de leurres...
Qui suis-je ? À cette question, Pascal répond : personne. Mon corps, mes talents, ma situation sociale résultent de “ qualités empruntées” que je dois au hasard. Le moi est une illusion, l’amour un leurre, et la justice n’existe pas. Francis Wolff commente quelques pensées pascaliennes implacables.
Article offert, issu du hors-série Blaise Pascal. L’homme face à l’infini, en kisoques jusqu’au 27 septembre
La pensée du fragment « Qu’est-ce que le moi ? » [voir p. 44] donne le tournis. Où veut-elle nous emmener ? Elle entremêle trois concepts : le moi, l’amour, et la justice. Sous nos yeux, elle les construit. Et en même temps les déconstruit.
Elle semble d’abord contribuer à l’invention d’un concept philosophique nouveau, promis à un bel avenir : « le moi » – autrement dit l’identité personnelle, qui se dira self en anglais ou selbst en allemand (« soi »). Pourtant, ce « moi » recherché demeure introuvable. Pascal le montre par trois coups de projecteur successifs de différentes focales. D’abord un plan large, totalement extérieur : vu en troisième personne, anonymement, je ne suis qu’un monsieur qui passe. Ce n’est pas moi en particulier. Vu de là-haut, rien ne me distingue d’un autre. S’ensuit un plan rapproché, comme en deuxième personne. On passe du coup d’œil sur l’individu quelconque au regard sur la personne aimée. Cette fois, c’est bien moi qu’on regarde, c’est bien lui, c’est bien elle. « Tu es beau, tu es belle, je t’aime ». Pourtant, non, ce n’est pas elle, ce n’est pas lui, ce n’est que son « corps », ce corps que la tradition métaphysique identifie à une simple apparence, opposée à la réalité. Alors, le chasseur du « moi » doit changer de plan. Il faut abandonner la vision et les sens pour pénétrer l’intimité, « l’âme » comme on dit, à laquelle on n’a accès qu’en première personne. Car si le corps n’est que l’apparence, la réalité du moi devrait se trouver dans l’âme, n’est-ce pas ? Mon jugement, ma mémoire, etc., voilà qui serait donc ce moi ? Pas davantage. Car si ces qualités de l’âme sont en effet miennes, à l’égal des qualités du corps, c’est qu’elles ne sont pas ce que je suis « substantiellement » : ce qui est à moi n’est pas ce qui est moi. Pascal le montre en recourant à un argument métaphysique classique remontant à Aristote : les qualités de la substance sont ce qui peut changer ; la substance, elle, est ce qui demeure. « Je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même ». Et de là, aporie. Le moi n’est pas une substance fixe, moi-même, puisque je peux changer ; il n’est pas non plus dans les qualités miennes, lesquelles sont celles du corps ou celles de l’âme. Il n’y a pas de moi. Première déconstruction.
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