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Antoine Compagnon. © James Leynse/Réa

Entretien

Antoine Compagnon : le moi est-il vraiment haïssable ?

Antoine Compagnon, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 25 mars 2021 11 min

La formule de Pascal « Le moi est haïssable » est aussi désespérante que définitive,. Mais qu’est-ce que Pascal méprise dans ce moi ? L’amour-propre, analyse Antoine Compagnon, qui aveugle l’homme sur l’horreur de sa condition. 

 

Qu’est-ce qui fascine encore aujourd’hui chez Pascal ?

Antoine Compagnon : Son génie, c’est certain : il est à la fois un mathématicien qui s’est intéressé aux probabilités comme à la cycloïde, un physicien qui a prouvé l’existence du vide, un philosophe, un théologien, et un très grand écrivain. Dans ses travaux scientifiques, il est à la fois théoricien et expérimentateur. Voilà ce qu’il y a de fascinant chez lui ! C’est un surdoué doublé d’un éternel adolescent.

 

Pourtant, il n’est pas écrasant ?

Non, parce qu’il n’a jamais rien terminé ! Presque toute son œuvre est posthume, notamment les Pensées, qu’il n’a pu achever avant sa mort en 1662, à 39 ans seulement. Parmi ses écrits scientifiques, très peu sont publiés de son vivant, et une bonne partie s’est perdue. En somme, nous connaissons sa pensée à travers des rudiments d’œuvres plutôt que par un monument.

“L’objectif des Pensées, c’est de faire peur à l’autre !”
Antoine Compagnon

 

Des rudiments où transparaît une inquiétude profonde…

Il y a un malentendu sur ce point, et beaucoup de récits postérieurs, qui relèvent davantage de la légende, ont nourri cette image d’un Pascal mélancolique, angoissé, voire dérangé. L’objectif des Pensées, c’est de faire peur à l’autre ! Leur construction s’apparente à celle d’un dialogue. Rien d’étonnant, alors, que l’inquiétude soit au cœur de l’ouvrage projeté : cela correspond au sentiment d’effroi que Pascal veut susciter chez son interlocuteur. Le Pascal tragique est une interprétation romantique, moderne, existentielle. Il n’est pas exclu que Pascal ait éprouvé cette terreur. Mais une fois que sa « conversion » a eu lieu, en 1654, il semble ne plus douter. Au contraire, il est animé par la certitude de la foi. « Certitude, certitude, sentiment, joie, paix », écrit-il dans le Mémorial, où il relate l’expérience de la grâce qu’il fait ce jour-là ! Et cette certitude ne se dément pas : deux ans plus tard, dans les Provinciales, Pascal a toujours le sentiment de détenir la vérité. Certes, la raison est incertaine, mais le cœur, lui, est animé par la foi.

 

Cherche-t-il pour autant à convaincre autrui ?

Son projet d’apologie de la religion chrétienne n’a pas, il est vrai, la forme apologétique utilisée jusque-là : Pascal ne cherche jamais à donner des preuves de l’existence de Dieu. Comme on le voit dans son entretien avec Monsieur de Saci, il a toutefois le sentiment d’avoir trouvé une autre voie, qui fournira le plan de son apologie, au-delà de la certitude orgueilleuse d’un Épictète et du pyrrhonisme résigné, rempli de doute, de Montaigne. Tout le début des Pensées, qui explore les « contrariétés », les contradictions de l’homme, indique un dépassement dialectique de l’opposition entre la grandeur du stoïque et la misère du sceptique. Son apologie est moderne : elle s’adresse à l’« honnête homme », à l’individu nouveau qui naît à l’âge classique, doté d’une culture scientifique, capable d’user librement de sa raison.

 

À cet individu, il dit que « le moi est haïssable ». Pourquoi cette haine ?

Disons d’abord que l’emploi de ce mot comme substantif – le moi – est nouveau du temps de Pascal. Ensuite, il faut se demander si cette formule, « Le moi est haïssable », est un ordre ou un constat. Faut-il y voir une injonction à haïr le moi, ou bien une observation ? On a aussi vu dans cette formule une recommandation stylistique de ne pas employer la première personne. « Feu M. Pascal, qui savait autant de véritable rhétorique que personne en ait jamais su, portait cette règle jusques à prétendre qu’un honnête homme devait éviter de se nommer, et même de se servir des mots de je et de moi, et il avait accoutumé de dire sur ce sujet, que la piété humaine anéantit le moi humain, et que la civilité humaine le cache et le supprime », affirmaient ainsi Arnauld et Nicole dans La Logique ou L’Art de penser [1662]. À mon époque, on nous apprenait à l’école à éviter la première personne, et l’on citait Pascal. Mais cette prescription avait perdu son sens théologique : personne ne pensait au péché originel ! Peut-être à l’amour-propre, mais dans un sens très vulgarisé. Cela étant, il s’agit plus probablement ici d’une description : le moi est haïssable parce qu’il est hideux, abominable.

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