Le macaque est-il un suppôt de l’économie libérale ?
Pour le primatologue canadien Jean-Baptiste Leca et son équipe (lien en anglais), la conclusion est sans appel : les fameux macaques chapardeurs des temples balinais enseignent les techniques de vol à la tire à leurs petits, démontrant par là qu’ils sont capables de transmission culturelle. Mais surtout, ce phénomène semble aussi étonnant que problématique : à force de dérober écharpes, lunettes et chapeaux aux touristes, avant de les rendre en échange d’une friandise, les singes auraient fini par comprendre que certains objets leurs rapportent de plus grosses rançons. Parce que les touristes sont en effet prêts à leur « payer » plus cher un iPhone qu’une canette de soda dérobée, les macaques évalueraient désormais la valeur marchande des objets qu’ils chipent. Et ils cibleraient de préférence des biens onéreux – qu’ils sont même capables de négocier, en ne remettant une « grosse » prise que contre une récompense à l’avenant. L’embryon d’une logique de marché… libérale ?
La primatologie, pont avancé de l’éthologie [l’étude du comportement animal], a démontré depuis les années 1950 que les singes sont capables de comportements culturels. Les études sur les macaques de la presqu’île de Koshima au Japon ont révélé par exemple qu’une femelle singe qui a pris l’initiative de laver une patate douce dans l’eau de mer est peu à peu imitée par ses congénères qui l’enseignent à la génération suivante. Mais les recherches sur l’intelligence des primates ont été, pour la plupart d’entre elles, surtout orientées avec un a priori très positif, comme si la proximité avec l’homme impliquait aussi l’éveil nécessaire d’un sens moral et une manière louable d’adopter des mœurs policées. Dès le XVIIIe siècle, époque où Carl von Linné invente le mot « primate » et s’appuie sur le cas de l’orang-outan (qui signifie « l’homme des forêts » en malaisien), pour placer l’homme dans cette nouvelle « famille », on veut trouver des vertus aux quadrumanes. Rousseau relate ainsi, dans une note de son célèbre Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), qu’on aurait observé dans les forêts du Congo des singes pongo qui auraient enlevé un petit enfant pour l’élever parmi eux pendant un mois sans lui faire du mal avant de le rendre à la tribu dont il était issu. Sans donner foi à cette histoire racontée par des marchands et non par des savants, Rousseau n’hésite pas à créditer les animaux d’un certain sens de la pitié, vertu « si naturelle que les bêtes mêmes en donnent parois des signes sensibles ». N’était-ce pas oublier la face sombre de leur nature ?
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