De Smith à Simmel, les métamorphoses du “pouvoir d’achat”

Le pouvoir d’achat comme domination sur autrui

Le terme « pouvoir d’achat » apparaît au XVIII^e siècle sous la plume d’Adam Smith. À ses yeux, le pouvoir d’achat a trait avec la domination : plus on en possède, plus on domine dans la société. Pour défendre cette idée, il s’appuie sur Hobbes : « Richesse, c’est pouvoir », admet Smith dans la Richesse des nations. La citation n’est pas exactement celle de Hobbes, mais il s’appuie sur l’idée hobbesienne selon laquelle il y a une relation positive entre la richesse et le pouvoir : plus on est riche, plus on a de pouvoir. Néanmoins, pour Smith, la question n’est pas politique, économique ou militaire – contrairement à Hobbes. Si pouvoir il y a, il est de l’ordre de la domination sur autrui.

Pour le comprendre, il faut revenir sur sa théorie de la « valeur travail ». Premier à essayer de fonder la valeur de toute marchandise autrement que par sa valeur d’échange (son prix sur un marché), Adam Smith pose que toute marchandise est le résultat d’un quantité déterminée de travail. Ainsi, ce que l’on paye avec la monnaie n’est que la rétribution d’un certain nombre d’heures passées à fabriquer un produit. Par transitivité, acheter un bien signifie s’approprier le travail d’autrui. C’est là qu’il y a « pouvoir » dans l’acte d’acheter :

« Richesse, c’est pouvoir, a dit Hobbes ; mais celui qui acquiert une grande fortune ou qui l’a reçue par héritage n’acquiert par-là nécessairement aucun pouvoir politique, soit civil, soit militaire. […] Le genre de pouvoir que cette possession lui transmet immédiatement et directement, c’est le pouvoir d’acheter ; c’est un droit de commandement sur tout le travail d’autrui, ou sur tout le produit de ce travail existant alors au marché. »