Le “Dialogue du désespéré” : aux sources de la philosophie égyptienne
C’est l’un des plus anciens textes philosophiques publiés dont on ait gardé la trace, et on le croyait indéchiffrable. L’égyptologue Marina Escolano-Poveda vient de trouver le moyen de percer le mystère du Dialogue entre un homme et son Ba (son âme), un papyrus égyptien vieux de 4 000 ans.
Qui est l’homme de ce dialogue ? Et que révèle-il de la pensée philosophique de l’Égypte antique ?
Du Dialogue du désespéré avec son Ba, l’un des plus anciens textes connus de la pensée égyptienne, on ignorait jusqu’ici le début. Qui est cet homme qui prend la parole dans ce texte typique de la littérature sapientiale (sebayt), qui est en général daté du Moyen Empire (2065-1735 av. J.-C.) ? Un suicidaire, un malade, un philosophe en pleine introspection ? Si le nom de l’auteur reste inconnu, le contexte d’énonciation a été en partie résolu par l’égyptologue Marina Escolano-Poveda, qui a mis en rapport le manuscrit, conservé à Berlin (Allemagne), avec un autre fragment entreposé au Musée biblique de Palma de Majorque (Baléares, Espagne) : « On ne savait pas pourquoi cette conversation avait eu lieu. Le fragment de Majorque, en précisant qu’il s’agit d’un mourant, le révèle. »
L’originalité du Dialogue du désespéré avec son Ba tient d’abord à sa forme : celle d’un dialogue intime de l’homme avec lui-même, ou plus précisément avec son Ba. Pour les Égyptiens de l’Antiquité, la personne est bien plus complexe que la simple dualité de l’âme et du corps. L’être humain est constitué d’une multitudes de composantes : corps, cœur, nom, ombre, Akh, Ka ou encore Ba. Ces composantes sont solidaires dans la vie terrestre ; elles tendent à se dissocier au moment de la mort, mais peuvent être réunies d’une manière nouvelle grâce aux rituels funéraire. Le Ba, en particulier, énergie de mouvement et de transformation, s’élève vers le ciel de la dépouille. Il est désormais capable de voyager entre le monde des hommes et celui des dieux. En dépit de cette séparation qui permet au Ba de voyager librement, celui-ci doit rester lié, d’une manière ou d’une autre, au corps mort où il rentre le soir venu se reposer – d’où l’importance de la momification.
Le Dialogue est donc celui d’un mourant avec lui-même, ou plus précisément un dialogue entre lui-même, vivant, et une partie de lui-même qui n’accèdera à sa pleine indépendance qu’après la mort. Deux modalités existentielles discutent et, plus précisément, s’opposent sur la valeur respective de l’ici-bas et de l’au-delà.
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