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© Capture d’écran de l’émission “Complément d’enquête : la chute de l’ogre”, diffusée sur la chaîne France 2 le 7 décembre 2023.

Le dégoût des autres

Sven Ortoli publié le 14 décembre 2023 3 min

« J’ai vu quelques minutes des images tournées durant un séjour effectué par Gérard Depardieu en Corée du Nord. L’acteur de Cyrano y commente sexuellement une cavalière d’une dizaine d’années, puis la jeune interprète qui l’escorte et dont on imagine mal qu’elle puisse répliquer. À la fois parce qu’elle risquerait son job et sa peau, et parce que Depardieu accompagne ses propos de grands rires signifiant que tout cela est une vaste blague. Qu’est-ce que ça veut dire, “dégueulasse” ? C’est la question du jour.

Élève de Husserl, le phénoménologue Hongrois Aurel Kolnai (1900-1973) a consacré une étude au dégoût physique (la pourriture, les excréments, la crasse, la vermine, etc.) et au dégoût moral, qu’il distingue soigneusement de la colère, du mépris ou de l’indignation. De ce dégoût moral, écrit-il, il existe plusieurs variétés, parmi lesquelles le “dégoût-satiété” (formé par l’excès, le ras-le-bol de quelqu’un ou de quelque chose), le dégoût du mensonge (ou de la lâcheté) et aussi le dégoût inspiré par une “vitalité excessive ou déplacée qui est en quelque sorte traître à la vie et suggère une décomposition au sens le plus large du terme”.

Le premier, c’est facile – chacun a ses exemples, empruntés à la sphère privée ou non. Le deuxième est tout aussi identifiable. Il suffit de se baisser dans l’actualité pour en ramasser : le “début de l’ère post-fossile”, dixit Sultan Al-Jaber, président de l’ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company) et dramaturge en chef de la COP 28 ; applaudissements nourris devant une tartufferie historique – enfin pas ceux des représentants des Samoa, en première ligne de la montée des eaux, qui ont eu le cran de dénoncer “une litanie d’échappatoires”. Le troisième, mâtiné des deux autres, me semble bien décrire ce que j’ai ressenti en voyant les images de l’émission Complément d’enquête sur le voyage coréen de Gérard Depardieu.

Extraordinaire acteur doté d’un “charisme inné” – on l’a ou on ne l’a pas, disait-il –, d’un magnétisme, d’un mojo, d’une vitalité qui rend d’autant plus douloureux le dégoût provoqué par ses propos, ses regards, ses gestes et ses sourires. On pourrait le croire sorti du Cyrano s’exclamant “Eh bien ! oui, c’est mon vice. Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse”. Sauf que non. L’homme qui débite sur mon écran ses obscénités, mi-rigolard mi-sentencieux, a perdu son éclat. Le monstre était vulgaire, fascinant, vulnérable. Il est aujourd’hui simplement répugnant. Presque autant que ceux dont il quête l’assentiment par ses rires. Ceux qu’il met au défi de relever ses outrances. Ceux qui le filment et l’entourent.

“Qu’est-ce que c’est, ‘dégueulasse’ ?”, demande Jean Seberg à la fin du film À bout de souffle. Georges Bataille, qui a lu Kolnai, note que “l’abjection d’un être humain […] a une absence pour origine. Elle est simplement l’incapacité d’assumer avec une force suffisante l’acte impératif d’exclusion des choses abjectes”.

Et avec cela, vais-je revoir Cyrano ? Oui. Je crois comme Pascal qu’il y a “diverses chambres” et je sépare la sphère esthétique de la sphère morale. Oh, facile, oui, mais bon, quand Depardieu dit “moi, c’est moralement que j’ai mes élégances”, c’est Cyrano qui parle. »

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