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© David Desaleux pour PM

Rencontre

Le contrat social d’Étienne Rigal

Étienne Rigal, propos recueillis par Martin Legros publié le 21 février 2013 11 min

Mis en scène par Emmanuel Carrère dans D’autres vies que la mienne, ce juge est à l’origine d’une petite révolution : immobilier, surendettement, droit du travail… dorénavant, les magistrats peuvent statuer d’office sur les injustices faites aux plus démunis.

C’est l’un des héros du livre d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne (P.O.L, 2009), ce récit qui a ému la France entière en racontant avec force et simplicité la confrontation avec la mort d’une jeune magistrate, Juliette, mère de trois filles, atteinte d’un cancer foudroyant. Mais c’est aussi un juge – ancien collègue de Juliette – à l’origine d’une petite révolution dans le monde de la justice : il a réussi à faire admettre, après une lutte acharnée de plusieurs années, que sur des questions aussi concrètes que le surendettement, le logement ou le contrat de travail, le droit devait servir à protéger les faibles contre les puissants, et non l’inverse. Fort d’une « petite » décision apparemment technique obtenue auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne, Étienne Rigal a fait sauter toute une partie de la jurisprudence en droit français et posé une série de questions philosophiques fondamentales sur la fonction du juge dans la Cité et sur la nature des règles de droit qui permettent aux individus de contracter les uns avec les autres. Nous l’avons rencontré à Lyon, où il exerce aujourd’hui la charge de vice-président du tribunal de grande instance, afin qu’il nous expose le sens et la portée philosophique de ce combat.

Étienne Rigal

  • 1962 Naissance à Besançon 
  • 1981 Premier cancer, suivi quatre ans plus tard d’une rechute et d’une amputation de la jambe 
  • 1989 Juge de l’application des peines à Béthune 
  • 1996 Nommé au tribunal d’instance civil de Vienne, dans l’Isère 
  • 2002 Arrêt de la Cour européenne de Justice dans l’affaire Fretout contre Cofidis 2003 Nommé juge d’instruction au tribunal de grande instance de Lyon 
  • 2008 Vote de l’article L. 141-4 du Code de la consommation stipulant que « le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code » 
  • 2009 Publication de D’autres vies que la mienne (P.O.L) d’Emmanuel Carrère

« Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être magistrat », affirme cet homme de 51 ans, boitant légèrement, le visage rond, l’œil vif et la voix chantante. Il nous reçoit dans le salon de son appartement, dans une rue piétonne du quartier de la gare de Perrache, à Lyon. « Cela faisait un peu peur à mes camarades. » Qu’est-ce qui l’attirait dans cette voie ? « Contester l’ordre établi ! » La réponse tranche sur le conservatisme supposé du monde de la magistrature. « Je suis ataviquement contestataire. Et le droit, qui régit les rapports sociaux, m’a toujours semblé être un bon levier. Évidemment, le juge vient toujours après. Il doit rechercher non pas la vérité, mais les versions contradictoires des faits, confronter les points de vue, les examiner à valeur égale et les qualifier au regard du droit. » Ayant grandi dans une famille politisée, Étienne Rigal voit dans son métier la prolongation des débats dans lesquels il a été élevé : « À la différence des politiques, on ne crée pas les normes. Mais le droit, c’est du verbe, des mots qui se comprennent de différentes manières. À partir du moment où il interprète, le juge a une mission politique. D’ailleurs, de nombreuses révolutions juridiques se sont faites sans changement de loi. Et puis, ajoute-t-il, mon caractère m’a porté vers cette carrière. Je suis coléreux. » Interprétation, contestation, colère… voilà des mots qu’on entend peu dans la bouche d’un magistrat. D’où viennent-ils ? Issu d’une famille d’enseignants chrétiens de gauche, Étienne Rigal a vécu sa jeunesse à Sceaux, en banlieue parisienne. Il y a fréquenté au milieu des années 1970 l’aumônerie de Jean-Claude Bée, « prêtre rouge » qui insuffla l’esprit de 68 à une génération de catholiques, leur faisant lire Marx, Nietzsche ou Freud, découvrir la théologie de la libération de Hélder Câmara et vibrer à l’idée de transformer la société. Rigal y a puisé son idée centrale lorsqu’il est sorti de l’école de la magistrature : « Rétablir le droit dans son effectivité. Comme le disait le père Joseph Wresinski [fondateur d’ATD Quart-Monde], “les pauvres n’ont que le droit”. Je crois qu’il faut le leur rendre ou le leur garder. » Cependant, ce juge est tout sauf un révolutionnaire. Il n’entend pas utiliser le droit comme un outil au service d’une cause, si noble soit-elle. S’il appartient au Syndicat de la magistrature, très à gauche, son combat n’en reste pas moins celui d’un juriste, qui a le souci de la cohérence de l’ordre juridique, garant du ciment social, et considère qu’il y a offense au droit lorsque celui-ci sert de justification à des injustices.

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Article issu du magazine n°67 janvier 2013 Lire en ligne
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