Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© Seb Jarnot pour PM

Souvenirs du présent

L’Apocalypse en 1794

publié le 17 janvier 2013 3 min

« Les signes annonciateurs du dernier jour […] sont tous du genre terrifiant. Certains […] les voient dans des changements inhabituels de la nature, comme des tremblements de terre, des tempêtes, des inondations. »

Emmanuel Kant, La Fin de toutes choses, 1794

 

L’idée de « fin du monde » est vieille comme le monde, c’est-à-dire (et par définition) antédiluvienne. Voilà ce qu’enseigne Kant dans un petit opuscule intitulé La Fin de toutes choses, exhumé récemment par Michaël Fœssel et destiné d’abord à ceux qui considèrent qu’avec la terreur révolutionnaire, la fin du monde a bien eu lieu. Certes, il serait aisé de répondre à ces apocalypticiens que la fin d’un monde n’est pas la fin du monde, mais ce n’est pas la question. Le problème n’est pas de savoir ce qu’est la fin du monde (ce qui serait contradictoire) mais de quoi la fin du monde est le nom, ce qui est passionnant. Quel taon a piqué le critique de la connaissance pour qu’il se préoccupe soudain d’apocalypse et d’eschatologie ? « Pourquoi, en général, les hommes s’attendent-ils à une fin du monde ? et pourquoi précisément à une fin épouvantable pour la plus grande partie du genre humain ? » D’où vient la fortune d’un tel frisson ?

En réalité, montre Kant, l’idée de fin du monde n’engage pas le cours physique des choses mais leur « cours moral ». Tout comme l’erreur, selon Descartes, naît du décalage entre l’infinité de ma volonté et les limites de mon entendement (c’est parce que je désire au-delà de ce que je conçois que j’en viens à me tromper), la « fin de toutes choses » naît elle-même du retard que la morale a pris sur la technique. Si, depuis que le monde est monde et tout particulièrement à la fin du XVIIIe siècle, « nous nous sommes donné l’idée d’une fin de toute chose et le droit de l’accueillir », c’est parce que notre faculté morale progresse lentement, tandis que la technique avance à pas de géant. En d’autres termes, si une science sans conscience éveille des tempéraments catastrophistes, ce n’est pas parce qu’elle enfante des savants fous mais parce qu’elle met en cause l’idée de progrès en montrant que la science galope quand la morale claudique. Pour parler comme Kant, « les progrès de la civilisation, le raffinement du goût et la culture des talents vont plus vite que le développement de la moralité » et, même s’il est permis d’espérer que « sous le gouvernement d’un sage ordonnateur, l’une finira un jour par rattraper l’autre », la tentation de l’apocalypse est plus séduisante que la « foi héroïque dans la vertu » pour réduire un tel écart. Ainsi, l’idée vaine et vaniteuse de fin du monde est « merveilleusement tramée dans le tissu de la raison humaine » et on la retrouve différemment vêtue, vécue, à toutes les époques, « chez tous les peuples qui raisonnent », sous la forme de préludes avant-coureurs qui ont en commun de témoigner d’une dissolution morale et, par conséquent, d’être « du genre terrifiant ». Hier comme aujourd’hui sévissent les imprécateurs qui voient Armageddon « dans les guerres sanglantes déchaînées à tous les coins du monde », ou dans « l’oppression des pauvres sous la débauche insolente des riches », l’exécution du jugement dernier « dans des changements inhabituels de la nature, comme des tremblements de terre, des tempêtes, des inondations, ou des comètes ou des météores », et qui, parce qu’ils se prennent pour le centre du monde, ont le sentiment que ces choses sont « inconnues des époques précédentes » !

Aux millénaristes qui prennent à la lettre la métaphore de la fin du monde, aux contre-révolutionnaires d’aujourd’hui qui croient sauver ce qui peut l’être en luttant contre la mondialisation, à tous ceux qui, parce qu’au fond ça les rassure, se flattent de vivre les derniers instants d’une époque encore humaine et pour qui le syntagme « tout va finir » n’est qu’une autre façon de dire que « tout se perd », la lecture de Kant rappelle que le nihilisme est une passion narcissique, et que tant que chaque époque produira des prophètes qui la regardent comme un tas de cendres, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil.

Expresso : les parcours interactifs
Faire l’amour
Que fait-on quand on fait l'amour ? Tentons-nous de posséder une part de l'autre, ou découvrons-nous au contraire son mystère, sa capacité à nous échapper sans cesse, faisant redoubler notre désir ?
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
9 min
À quoi ressemblerait la belle mort ?
Alexandre Lacroix 11 janvier 2024

Tandis que la réforme de la législation sur l’euthanasie suscite des débats houleux, la tradition philosophique nous offre trois démarches pour…

À quoi ressemblerait la belle mort ?

Entretien
10 min
Marylin Maeso. Philosopher chez les Elfes
Sven Ortoli 26 juillet 2022

L’œuvre de Tolkien est tissée de questions métaphysiques, éthiques et politiques. Avec, au premier rang d’entre elles, la tension entre la…

Marylin Maeso. Philosopher chez les Elfes

Article
3 min
La critique de Michaël Fœssel. “La collapsologie ignore les rapports de forces”
Victorine de Oliveira 14 janvier 2020

Selon le philosophe Michaël Fœssel, les collapsologues, en évoquant la fin du monde, nous condamneraient à la fin de la politique. Pour lui, la perspective de l’effondrement devrait plutôt donner l’occasion de la réinventer.


Article
2 min
Angus Deaton et Anne Case : “La mortalité par désespoir n’est pas une question de chômage mais de déclassement”
Jack Fereday 25 septembre 2019

Pour le “Nobel” d’économie Angus Deaton et sa consœur Anne Case, la vague de suicides et d’overdoses aux États-Unis est liée au sentiment d’une perte de statut chez les Américains les moins diplômés.


Article
16 min
Morts par désespoir
Jack Fereday 25 septembre 2019

Alcool, overdose aux opiacés, suicide… Aux États-Unis, la mortalité explose, alors que l’économie est au beau fixe. Durkheim en main, notre…

Morts par désespoir

Article
10 min
Tolkien : races et histoires
Octave Larmagnac-Matheron, Sven Ortoli, 27 juillet 2022

Dans l’univers tolkiénien, les Humains cohabitent avec d’autres êtres doués de raison. Une invitation à décentrer le regard et penser autrement…

Tolkien : races et histoires

Article
3 min
Arendt : la naissance, une idée philosophique
Bérénice Levet 31 janvier 2023

En écoutant Le Messie de Haendel, Hannah Arendt a l’intuition, à rebours de Heidegger, que c’est vers la natalité, et non vers la mortalité, que doit se tourner la philosophie. Car le miracle, c’est d’être né. Elle suit en cela la leçon…


Article
12 min
Gérald Bronner : “Je ne dirige pas un ‘ministère de la Vérité’ !”
Alexandre Lacroix 13 octobre 2021

De L’Empire des croyances (PUF, 2003) et La Démocratie des crédules (PUF, 2013) au récent Apocalypse cognitive (PUF, 2021…

Gérald Bronner : “Je ne dirige pas un ‘ministère de la Vérité’ !”

Article issu du magazine n°66 janvier 2013 Lire en ligne
À Lire aussi
La fin du monde, vous la voulez comment ?
Par Alexandre Lacroix
janvier 2020
Agnès Gayraud : “Christophe libère la langue française pour en retrouver la part charnelle” 
Par Agnès Gayraud
juillet 2020
Pablo Servigne : pour une communauté de destin
Par Pablo Servigne
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. L’Apocalypse en 1794
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse