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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Paris, le 10 avril 2022. Après l’annonce des résultats du premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, la candidate du parti Les Républicains (LR) Valérie Pécresse rejoint la scène pour prononcer un discours. © Alain Jocard/AFP

Présidentielle 2022

La recette rhétorique pour réussir son discours de défaite présidentielle

Clara Degiovanni publié le 12 avril 2022 4 min

« La perte est un lieu sans parole », écrit Vincent Delecroix dans son essai Apprendre à perdre (Rivages, 2019). Si les mots manquent et que le cœur n’y est pas, le discours présidentiel post-défaite se présente néanmoins comme un passage obligé – et périlleux. Le « bon perdant » doit assumer une part de responsabilité sans s’auto-flageller ; il faut montrer sa déception sans paraître totalement abattu et trouver un équilibre entre lucidité et optimisme. Quels pièges éviter pour ne pas doubler l’échec, en ratant, en plus de l’élection, son discours de vaincu(e) ? L’essai du philosophe Vincent Delecroix nous offre des pistes de réponses.

La difficulté de parler contre soi-même

La perte est une rupture. Elle réduit en morceaux la victoire que le candidat avait espérée et élaborée au fil de la campagne. Voilà pourquoi l’on ne se prépare jamais vraiment à perdre. « La perte rompt, foudroie. […] Même anticipée, elle a l’imprévisibilité de l’événement absolu », écrit Vincent Delecroix dans Apprendre à perdre (Rivages, 2019). C’est dans cette urgence amère de la défaite que le candidat perdant doit prendre la parole.

Or, ce temps de la perte a tendance à entraver toute parole. Un phénomène que l’on a pu observer dimanche soir dans le discours de la candidate du Parti socialiste Anne Hidalgo, qui, après avoir fait le triste score de 1,8%, bute dès le début de sa prise de parole sur le mot « chaleureusement ». Si le discours est parfois balbutiant, c’est que le candidat se met soudain à vivre le scénario qu’il a essayé de conjurer pendant des mois. Il doit, en quelque sorte, s’exprimer contre lui-même. Tâche qui semble immense – comment la relever ?

Le piège du fatalisme et du déni

Il convient d’abord de ne pas faire de l’échec une fatalité absolue. Contre cette tentation, le candidat doit trouver, dans les résultats actuels, des éléments à faire fructifier, des choses qui justement, ne sont pas perdues. Ce travail est une sorte de cueillette à l’optimisme. Il faut aller chercher, au milieu des ruines de la défaite, « la puissance qui s’y trouve et qui palpite comme les étincelles de grâce dispersées dans le monde après la brisure des vases », conseille le philosophe.

Cette collecte consiste par exemple à insister sur les élections législatives à venir et sur « la fierté du travail accompli », comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France insoumise, occupant la difficile place de 3e candidat avec 22% des suffrages. Mais les orateurs vaincus se doivent aussi d’éviter le piège opposé : celui du déni, tout aussi délétère. Le discours de défaite réussi se présente ainsi comme un équilibre précaire entre ces deux écueils : le défaitisme et l’excès de confiance.

Retrouver un phrasé naturel

L’autre piège du discours raté est celui de l’inauthenticité. Le candidat forge parfois une image victorieuse de lui-même et n’arrive pas à trouver en lui les ressources pour être un bon perdant. Dès lors, le discours sonne faux. Ampoulé ou maladroit, trop lent ou trop rapide : il manque de naturel.

Mais la défaite peut aussi être, à l’inverse, un moment où le candidat, délesté de la pression de la victoire, commence enfin à être lui-même. La candidate des Républicains Valérie Pécresse, par exemple, qui s’est vu reprocher son manque de naturel pendant sa campagne, a fait montre d’une aisance étonnante, dimanche. C’est peut-être, nous dit Delecroix, « lorsque le perdant prend le visage […] du joueur malchanceux […] que l’on en découvre la figure authentique ». On a également pu observer ce phénomène dans la seconde partie du discours de Yannick Jadot (EELV), relativement souriant et décontracté. « Je peux vous parler à vous, maintenant », a-t-il dit aux militants de son parti, présents à son QG de campagne.

Jean Lassalle, enfin, candidat du parti Résistons !, qui a obtenu 3,1% des votes (soit trois fois plus qu’en 2017), a quant à lui su conserver sa spontanéité. Malgré les problèmes de sonorisation de son discours, il a souvent ri, et même inventé un mot par inadvertance, « sourieuse », qui condense « souriante et radieuse » pour désigner « la France authentique » ayant soutenu sa campagne. Le discours du candidat perdant fonctionne ainsi comme un révélateur. Une forme de vérité émane de celui qui se retrouve – complètement ou en partie – évincé de la lutte de pouvoir et de ses conventions.

La parole du vaincu ne doit pas être sanctifiée

On peut alors être tenté de plaindre les vaincus et de ressentir pour eux une forme d’empathie. Le candidat qui a échoué est humanisé, pris en pitié du jour au lendemain. Un phénomène renforcé par la tentation de la victimisation venant du candidat lui-même. Éric Zemmour, à la tête du parti Reconquête ! – qui a obtenu 7,1% des suffrages contrairement aux estimations de novembre qui le créditaient de 18% – a ainsi accusé le « traitement médiatique » réservé à son parti, la « situation internationale » ainsi que « l’absence de campagne et de débats » avant d’évoquer, en tout dernier, « sa propre faute ». Ce à quoi ses partisans on répondu « Non ! », agressivement et de concert.

Une clameur certes partisane mais qui en dit long sur le sort qui est parfois destiné aux vaincus. « Les triomphateurs ensanglantés d’un moment […] qui tinrent un instant le haut du pavé se voient alors revêtus de la plus abjecte mélancolie historique, du fait même d’avoir rejoint leurs victimes dans le grand bourbier », prévient Delecroix. Les perdants du parti qui avait déjà l’habitude d’instrumentaliser le regret du passé peuvent trouver avantage de leur propre défaite, en entrant dans l’histoire par le biais de cette mélancolie. Il arrive un moment où l’on considère « ses triomphateurs d’hier simplement comme des victimes et des vaincus », poursuit le philosophe. Mais en se concentrant de la sorte sur leur défaite, on oublie leur puissance de nuisance. L’adulation des perdants et de leurs discours peut être très dangereuse… Car perdre implique parfois, pour les plus virulents, de n’avoir plus rien à perdre.

 

Apprendre à perdre, de Vincent Delecroix, est sorti en 2019 aux Éditions Rivages. 272 p., 21€, toujours disponible.

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