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Photo d’illustration. Un service de soins palliatifs. © Laurent Hazgui / Divergence

La maladie ne nous apprend rien

Cédric Enjalbert publié le 15 mars 2024 3 min

« “Accompagner dans la mort ne fait-il pas encore partie du soin ?” Je ne parviens pas à m’ôter de la tête cette question vertigineuse lancée en janvier par un parent déterminé à des médecins pris de cours. Elle revient me hanter alors que le chantier législatif ouvert par le président de la République ravive le débat sur l’euthanasie.

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La belle mort – “euthanasie”, en grec. Le sujet a continué de m’intéresser après mes études de philosophie, et j’ai passé l’an dernier de nombreux samedis au Conseil économique, social et environnemental à suivre les travaux de la Convention citoyenne à ce propos. Ce problème théorique s’est incarné quand une personne chère a été rattrapée par la maladie, en janvier. Ne croyant pas aux arrière-mondes, attachée à la biologie, elle considérait que la mort faisait encore partie de la vie, comme d’un cycle. Elle a fait un choix lucide en entrant en soins palliatifs alors que la vie ne lui semblait plus physiquement possible. Elle n’avait pas peur sinon que “ça dure”. Elle savait aussi que la loi ne permettait pas aux médecins de hâter la fin, et il a donc fallu attendre que le cancer fasse son office. Quatre jours et demi à la veiller, et à mesurer les limites de ces “soins”. Elle nous avait fait promettre de plaider sa cause si elle ne le pouvait plus. Interpellant donc l’équipe médicale quand ses souffrances physiques ou psychiques semblaient mal comprises, nous avons eu affaire à l’assurance d’un médecin dérangé par nos questions. Il avait “l’expérience”. J’y ai retrouvé les attitudes de l’institution que décrit remarquablement bien le regretté Ruwen Ogien dans ses Mille et une nuits : le paternalisme, considérant que le sachant sait mieux que le “patient” ce qui est bon pour lui, et le dolorisme, qui cherche du sens dans l’épreuve, accréditant l’idée que nous serions condamnés à souffrir. Je me suis entendu dire ainsi que ces souffrances étaient “normales” car elles relevaient des “symptômes de la fin de vie”. Que signifient ces symptômes ? Je cherche encore.

“La maladie ne m’a rien appris.” C’était le titre initial de l’essai de Ruwen Ogien, écrit alors qu’il souffrait lui-même d’un cancer. Le philosophe y analyse la relation théâtrale qui s’institue entre le médecin et le malade, où chacun doit jouer son rôle, et il fustige “une nouvelle éthique de la vulnérabilité” qui “met en relief notre état de dépendance essentiel à l’égard des autres, nos faiblesses physiques, nos limites affectives et cognitives naturelles, qui s’aggravent encore lorsque nous sommes frappés par la maladie. Elle semble porter profondément atteinte au principe d’autonomie dont la valeur morale et la possibilité pratique sont ainsi remises en cause. Personnellement, je reste sceptique à l’égard de cette conception de l’éthique, car je vois en elle une expression de ce nouveau dolorisme qui m’inquiète. En effet, elle donne à la souffrance, la faiblesse, la dépendance, le statut d’éléments constitutifs de la ‘condition humaine’ et ravale au rang d’illusions les idéaux de liberté individuelle et d’autodétermination”.

Contre cette tentation paternaliste et doloriste, Ogien défendait une “éthique minimale”. Elle tient en un principe : ne pas nuire intentionnellement à autrui. Cette option philosophique conduit notamment à défendre l’euthanasie au motif qu’il s’agit d’un “crime sans victime”, qui ne fait de tort qu’à soi-même ou à des entités abstraites (Dieu, des valeurs…). Elle invite à se méfier d’arguments comme celui de la “pente glissante”, qui extrapole le pire de façon rhétorique mais sans argument logique, pour discréditer tout changement, par panique morale. Elle se détourne enfin d’un concept “incantatoire” : la “dignité humaine”, brandie tantôt comme un absolu figé dans le ciel des idées auquel nous devrions nous conformer, tantôt comme un attribut que nous pourrions perdre en cas de mauvais traitement, et lui préfère la notion d’autonomie, dont le respect garantit le principe de non-nuisance à autrui.

Une expérience personnelle ne tient pas lieu d’argument. Mais celle-ci, inoubliable, renforce cependant mon inclination philosophique en faveur du respect de l’autonomie, méfiant envers toute forme de paternalisme et d’invocation des arrière-mondes, convaincu que je suis, comme Ruwen Ogien, que “la souffrance physique est un fait brut qui n’a aucun sens, qu’on peut expliquer par des causes, mais qu’on ne peut pas justifier par des raisons”. Ce qu’on appelle donc le minimalisme moral… minimal bien qu’exigeant ! »

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