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Le président des États-Unis Joe Biden devant le Congrès, à Washington DC, le 28 avril 2021. Derrière lui, la vice-présidente Kamala Harris (à gauche) et Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants (à droite). © Jim Watson/Poll/Sipa

Économie

Joe Biden contre la théorie du ruissellement

Octave Larmagnac-Matheron publié le 30 avril 2021 3 min

« Mes chers compatriotes américains, le ruissellement − la théorie économique du ruissellement −, ça n’a jamais marché. Il est temps de faire croître l’économie à partir du bas et du milieu » : c’est sur ces mots, prononcé le 28 avril lors d’un discours devant le Congrès américain, que Joe Biden a conclu ses cent premiers jours comme président des États-Unis. Cent jours étonnants, marqués par un plan de relance de 1 900 milliards de dollars bien étranger au consensus libéral qui caractérise la politique américaine depuis quelques décennies. 

Biden enfonce aujourd’hui le clou, en discréditant la théorie du ruissellement. Mais au fait, de quoi s’agit-il ?

Théorie libérale

Le principe de la théorie du ruissellement (trickle down effect, en anglais) est relativement simple : l’enrichissement des plus aisés – du patronat, en particulier – rejaillirait indirectement sur les plus modestes. En effet, l’excédent d’argent est censé dynamiser l’économie : il serait réinvesti dans l’économie, ce qui favoriserait l’emploi et les augmentations de salaire. Conséquence normative : plutôt que d’aider directement les plus modestes (qui utiliseront cet argent pour leur simple consommation, et non pour dynamiser le système productif sur lequel ils n’ont aucune prise), l’État, dans cette optique, doit se concentrer sur des réductions d’impôts pour les entreprises. La redistribution (partielle) de la richesse s’effectue toute seule, sans intervention. 

Histoire 

Si le terme apparait dès 1944 aux États-Unis, l’idée est plus ancienne. Ainsi, en 1896, le candidat démocrate à la présidentielle William Jennings Bryan critique « ceux qui croient que si on légifère simplement pour laisser prospérer les plus riches, leur prospérité retombera sur ceux en-dessous ». Or, cela n’a rien d’automatique. La théorie du ruissellement s’impose vraiment dans les années 1980, lors du tournant néolibéral de l’économie mondiale incarné par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et par Ronald Reagan aux États-Unis. La rhétorique des « premiers de cordée » d’Emmanuel Macron fait écho à ce principe.

Sources philosophiques

La Fable des abeilles (1714) de Bernard Mandeville est, explique l’économiste Jean-Luc Gaffard, « le plaidoyer le plus connu en faveur du ruissellement : elle entend nous convaincre que la consommation des riches, fût-elle ostentatoire, assure aux pauvres emplois et revenus ». Comme l’écrit en effet Mandeville : « Le luxe fastueux occup[e] des millions de pauvres. » Mais, là où Mandeville maintenait l’idée que les inégalités relèvent du « vice », on doit à la Théorie de la justice de John Rawls (1971) d’avoir entériné l’idée que certaines inégalités économiques sont justes et justifiées à condition qu’elles soient « au plus grand bénéfice des plus désavantagés ».

Critiques 

La théorie du ruissellement a, cependant, fait l’objet de vives critiques. À commencer par l’idée qu’il s’agirait en fait d’une simple théorie ! Aucun économiste n’a en effet conceptualisé, à proprement parler, ce principe, affirme l’économiste Jean-Marc Vittori . Son mécanisme lui-même est remis en cause, par des constats empiriques : en réalité, une large partie de l’excédent monétaire n’est pas réinvesti pour dynamiser l’activité économique, mais est thésaurisé, épargné (en particulier dans des paradis fiscaux). 

Mais les critiques portent aussi sur le genre de rapport entre gouvernants et gouvernés que la théorie du ruissellement induit. L’économiste John Kenneth Galbraith parle, à ce titre, d’une « théorie du cheval et des moineaux » : l’État doit nourrir les chevaux de course capitalistes ; les petits moineaux se partagent les grains qu’ils peuvent grappiller ça et là. Le sociologue Richard Sennett, enfin, dénonce le caractère fantasmatique du ruissellement : « Il est l’exacte reproduction de l’absurde chimère du paradis de la Bible. Crevez bonnes gens du tiers-monde et d’ailleurs ! Une vie meilleure vous est promise au paradis. L’ennui, c’est que personne ne vous dit quand ce fameux paradis se réalisera. En ce qui concerne le trickle down effect, la réponse est claire : jamais. » L’idée de ruissellement peut ainsi devenir un instrument idéologique au moins des dominants visant à faire accepter les inégalités croissantes. C’est pourquoi Joe Biden est si sévère à son endroit.

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