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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Cyril Zannettacci/Agence VU

Imaginer ses collègues tout nus en train de faire l’amour, un “process” utile ?

Martin Legros publié le 05 mars 2024 4 min

« Était-ce dû au sujet de notre discussion, le sexe et ses métamorphoses contemporaines ? À un protocole de délibération moins formaté que d’habitude ? Toujours est-il que la réunion qui s’est tenue au 2e étage de Philosophie magazine, hier après-midi, a donné lieu, dans mon esprit en tout cas, à un petit exercice d’imagination dont je ne résiste pas à vous restituer la logique proprement philosophique. Car elle permet de formaliser les opérations intellectuelles qui sont indispensables, à mon humble avis, pour une “bonne” réunion.

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Hier, nous nous sommes donc réunis pour délibérer d’un sujet d’actualité susceptible d’intéresser Philosophie magazine. Comme à l’accoutumée, nous étions une petite dizaine – membres de la rédaction, stagiaires, rédacteurs en chef, directeur de la publication –, réunis autour de la table pour plancher sur le thème fixé, en l’occurrence le vaste débat sur la sexualité enclenché par les prises de parole de l’actrice Judith Godrèche. D’habitude, l’un d’entre nous élabore, en compagnie d’un(e) stagiaire, un premier synopsis assez détaillé avec une problématique, des idées de formats, de références et de contributeurs pertinents. Et la réunion collective consiste à défaire et refaire ce draft initial, en le soumettant à une attaque réglée d’objections de sorte à le rendre plus robuste. Mais cette fois, nous avons changé notre fusil d’épaule au dernier moment, et la délibération collective a pris une tournure plus “sauvage”, moins corsetée par les process comme on dit aujourd’hui dans le monde de l’entreprise. A joué aussi, sans doute, l’objet de la discussion : l’état des pratiques sexuelles et leur transformation sous les coups de nouvelles règles du jeu, plus égalitaires, d’un plus grand souci de la jouissance féminine, du nouveau droit de cité acquis par les identités homo-, bi- et transsexuelles, mais aussi de l’omniprésence de l’imaginaire pornographique.

Soyez tout de suite rassurés : personne n’a bien entendu mis sa vie sexuelle sur la table. La pudeur et les bonnes manières sont de règle dans la rédaction de Philomag ! Cependant, sous couvert de parler de ces “amies” qui ont des pratiques débridées, de ces autres qui n’ont plus eu de relation parce qu’elles en ont marre de se mettre au service de la jouissance masculine, de cette autre connaissance qui préfère se masturber plutôt que de se prendre la tête avec la crainte d’avoir brusqué sa partenaire d’un soir, ou, enfin, de cette hypothèse selon laquelle le sexe a peut-être “toujours été un problème sinon un tabou” en dépit des tentatives de la libération sexuelle pour le banaliser… toutes les interventions semblaient lestées d’un vécu implicite qui restait cependant du registre du non-dit.

Ce climat inhabituel explique sans doute pourquoi je n’ai pu, pour ma part, m’empêcher de procéder à un petit exercice d’imagination involontaire : je me suis mis, en effet, à visualiser les corps des huit personnes qui étaient autour de la table dans les postures les plus diverses avec leur compagne, leur partenaire d’un soir ou leur crush du moment… Dans un cas, c’était un baiser, dans l’autre une fellation, dans le troisième un plan à plusieurs. Dans un cas, c’était avec un partenaire officiel, dans l’autre avec un amant secret, dans le troisième… avec un autre collègue. Mais tous, je l’avoue, Michel, Louise, Victorine, Anne-Sophie, Cédric, Fabrice, Alexandre et Clara y sont passés. À part moi, spectateur à distance, trop occupé à établir une sorte de pont entre ce qu’ils disaient chacun à leur tour, autour de la table, et le scénario sexuel qui pouvait correspondre secrètement à leur proposition intellectuelle.

Si je fais cet aveu aujourd’hui, ce n’est pas pour donner libre cours, de manière impudique, à des fantasmes personnels inconvenants. Mais c’est que je crois que, loin d’être une “sortie de route”, cet incident permet de formaliser ce qui se passe dans notre esprit lorsque nous cherchons vraiment à penser.

Dans ses Idées directrices pour une phénoménologie, Edmund Husserl, le fondateur de la phénoménologie, retient deux étapes fondamentales pour enclencher le processus. D’abord, la “réduction” phénoménologique ou l’épochè : elle consiste à mettre entre parenthèses ou “hors circuit” toutes les théories, scientifiques en particulier, que l’on peut être tenté de mobiliser pour comprendre comment fonctionne la perception d’un arbre, la rencontre d’autrui ou l’acte sexuel. Dans notre réunion, l’absence de synopsis nous a ainsi privés du fatras de références qui encombrent trop souvent nos délibérations pour nous inciter à penser “la chose même”, “à nu”, comme dit Husserl, et pas seulement les “vêtements d’idées” qui l’encombrent. Ensuite, soutient Husserl, une fois qu’on a mis de côté ce que l’on sait pour se concentrer sur la manière dont se donne telle chose, dans l’expérience concrète, il s’agit de procéder à ce qu’il appelle une “variation eidétique”. Sur base de ce qui m’est donné, en chair et en os, dans l’expérience d’un phénomène, toujours perçu d’une certaine perspective limitée, à travers telle ou telle “silhouette”, il s’agit de produire des variations imaginaires du même phénomène, objet ou concept, pour essayer d’en dégager tous les aspects possibles. Et c’est seulement au bout de cette variation imaginaire, qui est beaucoup plus incarnée qu’une généralisation ou une abstraction, que l’essence invariable du phénomène – son “eidos” – peut se dégager dans une véritable “vision”.

Eh bien, il me semble que cela rend assez bien compte de ce qui s’est passé dans mon esprit lors de la réunion d’hier, lorsque j’ai “déshabillé” imaginairement le problème. Comme peut-être aussi dans l’esprit de mes camarades, au vu de la fécondité de notre délibération. D’une manière générale, se délester des théories et des process pour laisser s’épanouir ce que Husserl appelle la variaton éidétique pourrait être bénéfique à la vie de la pensée dans les entreprises. De là à ce que les manuels de management recommandent, avant toute réunion, d’imaginer ses collègues faire l’amour tout nus, on peut rêver… »

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