II. La voie de la sublimation
Le christianisme et la psychanalyse sont d’accord sur une chose : c’est le goût de l’interdit qui nous aimante. Un interdit qu’il s’agirait alors de transcender… ou de transgresser ?
« Je n’y peux rien, c’est plus fort que moi… » Cette phrase, qui ne l’a pas déjà hurlée ou murmurée ? Elle surgit dans bien des cas où nous sommes comme envoûtés par l’obscur objet du désir. Nous n’en sommes plus les maîtres : il semble nous choisir plutôt que l’inverse. L’attraction est d’autant plus irrésistible qu’elle a trait à l’interdit. C’est le côté retors du désir : plus il est barré, plus il s’embrase… À défaut de pouvoir l’étouffer, ne serait-il pas préférable de le transcender, de le reporter vers des objets moins sulfureux, plus nobles ? De quitter enfin des yeux le seul fruit défendu ?
Ce fruit, parlons-en. Pour saint Augustin, c’est par pur orgueil qu’Adam a bravé le commandement divin et mangé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il s’est volontairement « [détaché] du bien supérieur immuable », en se prenant pour le nombril du monde. Châtiment du péché originel : Adam et tous les hommes après lui sont devenus « [charnels] dans leur esprit ». Soit des créatures esclaves d’elles-mêmes, de penchants répréhensibles : la colère, la cupidité, la vantardise ou encore la libido, cette « excitation des parties honteuses du corps » qui « trouble l’homme tout entier ». Le Père de l’Église sait de quoi il parle : adolescent, raconte-t-il dans ses Confessions, il a connu un épisode de « folie sensuelle », traînant avec des compagnons dépravés et « [se roulant] avec eux dans la fange ». Même après sa conversion, il se dit toujours en proie aux tentations, comme celle de rechercher la vaine « gloriole ». Tel est le fardeau de la condition humaine, trop humaine : l’inclination et la lutte permanente contre les « désirs vicieux ». Cependant, et c’est là la manière de recouvrer sa liberté, la force du désir peut être contenue, mieux encore, infléchie. Dans le mariage, par exemple, la libido est selon saint Augustin réfrénée et redirigée vers un objectif légitime, la procréation. L’amour désintéressé du prochain, la charité chrétienne, est quant à lui un détournement de l’égoïsme spontané. Mais le grand recentrement du désir ramène toujours à Dieu, qui est le Bien et la Vérité. Il en va d’un mouvement d’élévation au-dessus des contingences terrestres, mais aussi de plongée dans l’intériorité : dans les recoins de l’âme, Il apparaît comme ce qui me constitue – soi-même par un Autre. Ainsi, le désir brûle chez saint Augustin, il brûle toujours, mais il revient à l’homme de le faire migrer vers son lieu le plus aimable et aimant.
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C’est un OINI, un objet intellectuel non identifié. Impossible à caser, Georges Bataille, tant il brouille les pistes.
Ni ennemi à juguler ni interdit à dépasser… Et si le désir était l’autre nom de notre être ? Dans le sillage de Spinoza se déploie alors un appel à se laisser traverser par ce qui nous dépasse.
Bataille n’a eu de cesse de dynamiter la philosophie, de mettre en miettes le bien, le juste, la mesure. Passé de l’autre côté du miroir, il est le penseur du mal, de l’excès, du négatif, de l’érotisme qu’il considère comme autant d…
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