Homme “déconstruit” : que reste-t-il de la masculinité aujourd’hui ?
Dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans la pub, la masculinité est l’objet de tous les regards et accessoirement, de toutes les critiques. Souvent associée à la domination masculine voire à la « toxicité », elle serait à fuir... Le masculin est-il en voie de disparition ? Peut-on encore définir ce qu’est un homme, aujourd’hui ? À partir du champ des « Masculinity Studies », Ariane Nicolas se risque à dresser le portrait-robot de l’homme idéal de demain…
Depuis le mouvement #MeToo et les combats néoféministes affiliés, il y a comme un « trouble dans le masculin », pour reprendre le mot de Judith Butler. Tandis que les trois premières vagues de féminismes s’attachaient à la revendication de droits pour les femmes (le vote ; les droits reproductifs ; la condition des femmes autres que blanches, bourgeoises et hétérosexuelles), la quatrième – celle dans laquelle nous sommes pris aujourd’hui – s’intéresse directement aux comportements masculins et vise à les réformer.
L’expression consacrée, qui sanctifierait l’avènement de cet homme nouveau tant recherché, est : « homme déconstruit ». Pour atteindre l’égalité, il faudrait en passer par un processus de remise en cause de l’identité masculine. À tel point que certains craignent que le masculin ne se dilue dans l’indéterminé, le neutre voire – horreur ! – le féminin lui-même… Alors, comment définir le masculin aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’un homme, et cet être a-t-il encore de l’avenir ?
Virilité contestée, masculinités en redéfinition
Contrairement aux femmes, qui ne disposent que d’un terme pour classifier les qualités supposées les définir (« la féminité »), les hommes en ont deux : la virilité et la masculinité. C’est une distinction importante dans les débats actuels. Tandis que la virilité est franchement disqualifiée dans le discours féministe, car associée à la domination masculine, aux comportements brutaux, sexistes et inégalitaires, la seconde demeure scrutée mais acceptée. En dehors de quelques courants militants radicaux, l’idée générale n’est pas d’éliminer les hommes, comme on l’entend parfois, mais de les délivrer des injonctions virilistes qui pèsent sur eux afin de rendre la vie plus légère aux femmes. Le féminisme serait ainsi bénéfique pour les deux genres, masculin et féminin.
Les militantes féministes ne sont pas les seules à le remarquer. Dans le beau-livre Histoire de la virilité, codirigé par Alain Corbin, Georges Vigarello et Jean-Jacques Courtine, ce dernier écrit : « Le mythe viril s’applique à résoudre l’insoluble contradiction entre les désirs de toute-puissance et les réalités de l’impuissance masculines. Il y a à l’évidence, dans la poursuite de tels rêves de puissance corporelle, une impasse pour les virilités qui se cherchent aujourd’hui […] On s’en tiendra donc à l’avertissement freudien : mieux vaut un renoncement volontaire qu’un deuil sans fin. » Plutôt que de se montrer nostalgiques d’un idéal inatteignable, qui ne saurait combler que quelques élus, les hommes gagneraient à explorer de nouvelles manières d’être, plus égalitaires mais aussi plus libres et joyeuses.
La virilité est définie par les auteurs du livre comme un désir d’emprise sur les femmes, assurément, mais avant tout comme une auto-contrainte, une « attente de perfection » que les hommes s’infligent à eux-mêmes : un « idéal de puissance et de vertu, assurance et maturité, certitude et domination », qui « se recompose avec le temps ». Chaque époque, chaque société véhicule un modèle-type de virilité. On pourrait décrire le nôtre schématiquement de la sorte : force physique, drague active, indépendance économique, hétérosexualité, vie articulée hors du foyer, tatouages (mais pas de piercings !), voix grave, loisirs à risque et/ou polluants renvoyant à l’imaginaire d’un homme qui définit ses propres règles sur son territoire, etc.
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