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Gaza, tôt le 3 novembre 2023. Des Palestiniens devant l’hôpital Al-Shifa. L’Union européenne a condamné l’utilisation par le Hamas des infrastructures médicales et de la population civile en tant que boucliers humains. © Dawood Nemer/AFP

Généalogie d’une notion

Histoire du bouclier humain

Octave Larmagnac-Matheron publié le 14 novembre 2023 3 min

« Bouclier humain » : c’est en ces termes que l’Union européenne a qualifié, dimanche, l’utilisation des hôpitaux et des civils à Gaza par le Hamas. Retour sur une expression paradoxale.


 

  • L’expression « bouclier humain » remonte au moins à 1881. Elle est employée par Théodore Labourieu dans les Mémoires de Monsieur Claude, chef de la police de sûreté sous le Second Empire pour évoquer la foule présente entre le tsar Alexandre II et Antoni Berezowski qui tenta de l’assassiner en 1867. Mais « l’utilisation de civils comme des armes dans des zones de conflit » est un phénomène bien plus ancien, comme l’expliquent Neve Gordon et Nicola Perugini dans Human Shields (University of California Press, 2020). L’usage est d’abord – comme aujourd’hui à Gaza – de nature défensive. « L’expression bouclier humain émerge dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, mais la pratique est répandue depuis très longtemps. Au septième siècle, les Chinois utilisaient les tribus “barbares” en tant que tampon à la frontière turco-mongole, et les Mongols déployaient des prisonniers comme bouclier lors de leur conquête. Au onzième siècle, on conseillait aux croisés de “disposer leurs captifs musulmans nus et enchaînés pour ôter la force des assauts ennemis.” » Les exemples ne manquent pas.
  • La logique peut sembler paradoxale. À première vue, une défense efficace suppose une capacité d’encaisser les coups de l’adversaire, et si possible de lui infliger en retour de lourds dégâts, afin de protéger « des cibles vulnérables » (objectifs stratégiques et civils). La situation est ici inversée. « En comparaison, les êtres humains paraissent un choix de bouclier improbable, car, en tant qu’être de chair et de sang, ils peuvent être aisément tués ». L’efficacité du bouclier humain tient dans la conversion de cette vulnérabilité en instrument de dissuasion. « C’est la valeur assignée à la vie de ces individus [utilisés comme bouclier] qui explique que leur vulnérabilité puisse devenir une arme de dissuasion. »
  • Sous sa forme la plus courante, le bouclier humain consiste à utiliser sa propre population : à mêler, géographiquement, activités civiles (écoles, hôpitaux, etc.) et militaires pour réfréner les tirs d’artillerie qui anéantiraient indistinctement les deux, obligeant l’adversaire à lancer des opérations ciblées beaucoup plus complexes. Ce « recoupement des fonctions civiles et militaires est inévitable dans la guerre urbaine ». Mais Israël a souvent accusé le Hamas d’en faire une stratégie systématique pour empêcher les bombardements. La dénonciation de cette stratégie de confusion du civil et du militaire a permis à l’État hébreu d’en désamorcer en partie les effets, et même de la renverser. « Israël a tenté de transformer ce défi en un argument juridique en sa faveur et a présenté les résidences palestiniennes ainsi que les personnes qui les habitent comme faisant partie du système de défense militaire du Hamas […] L’accusation est que les Palestiniens sont trompeurs, utilisant des espaces civils à des fins militaires, légitimant ainsi les attaques contre ces demeures. »
  • Le bouclier humain ne fonctionne que si l’ennemi reconnaît vos civils comme des civils qui doivent, en vertu du droit international, être épargnés. Plus généralement, il ne fonctionne que si l’adversaire, dans sa hiérarchie des vies qui comptent et celles qui ne comptent pas, reconnaît la vulnérabilité que vous brandissez pour l’arrêter. « La dissuasion n’est efficace que si l’autre partie […] se sent moralement obligée de stopper l’attaque pour ne pas blesser les citoyens qui servent de bouclier. » La présence de populations civiles n’y suffit pas toujours, en dépit du droit de la guerre. Certains belligérants sont alors poussés à utiliser des boucliers humains composés de prisonniers du camp adverse. C’est que fait aujourd’hui le Hamas, assurément poussé par l’épuisement de sa stratégie de brouillage. L’éventualité de la mort des otages met alors beaucoup plus efficacement en suspens le « pouvoir létal » à un niveau beaucoup plus intime.
  • La stratégie du Hamas est d’autant plus efficace que la localisation des otages reste secrète. Ceux-ci ne sont pas placés à proximité d’un point stratégique particulier pour le protéger par l’exhibition de la présence. Invisibles, ils peuvent au contraire être présents partout : n’importe quelle frappe pourrait faucher nombre d’entre eux. Efficace, sans doute, mais moralement inacceptable.
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