Cinéma

“Happy End”. La dérive d’un continent

Cédric Enjalbert publié le 2 min

Dans son dernier film “Happy End” (sortie le 4 octobre), le réalisateur autrichien Michael Haneke croque avec une réjouissante cruauté une société à l'agonie, la bourgeoisie occidentale.

Michael Haneke filme la fin d’un monde. Son ironique Happy End enregistre les convulsions d’une bourgeoisie hantée par une culpabilité mortifère. Réalisé à Calais, cette comédie caustique superpose une crise familiale à la crise des migrants. Un choc lorsque la vieille garde d’un Occident épuisé, où chacun cherche à en finir avec la vie, rencontre des réfugiés qui font tout pour sauver la leur. Avec sarcasme et dérision, Michael Haneke brosse le tableau tragi-comique d’une dynastie en bout de course – les Laurent. Dans la famille : une adolescente désabusée (Fantine Harduin), fille d’une mère plongée dans le coma suite à une overdose de médicaments ; un père divorcé, menteur et coureur de jupons, pour lequel la chair paraît bien triste (Mathieu Kassovitz) ; une cheffe d’entreprise héritière d’un empire dans le bâtiment (Isabelle Huppert), essayant de repêcher un fils alcoolique (Franz Rogowski) ; un patriarche (Jean-Louis Trintignant), qui tente vainement de se ratatiner contre un arbre pour se supprimer, lui et son secret. Absence de désir valant pour désir de mort, Michael Haneke enterre la société occidentale, en exposant sa défaite. Auteur de l’Essai sur l’Histoire publiée en douze volumes entre 1934 et 1961, l’historien britannique Arnold J. Toynbee dit des civilisations qu’elles « meurent par suicide, non par meurtre ». Selon lui, « quand une civilisation arrive à relever des défis, elle croît. Sinon, elle décline ». Pour Haneke, l’Europe a échoué. Un échouage qu’il considère de son œil sévère à l’échelle d’une famille, dans un Happy End plus désabusé que joyeux.

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