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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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À g. : Guy Debord (1931-1994) au 3e congrès de l’internationale situationniste, à Munich en avril 1959. © Electa/Leemage/AFP. À dr. : L’homme d’affaires Bernard Tapie pose sur le plateau de l’émission “Le jeu de la vérité”, dont il est l’invité, au studio de la maison de la Radio, à Paris le 15 mars 1985. © Joël Robine/AFP

À boulets rouges

Guy Debord : “Tapie, ce pauvre diable qui n’a pas pu me lire”

Octave Larmagnac-Matheron publié le 04 octobre 2021 3 min

Homme d’affaires, homme politique, homme de spectacle et communiquant des plus habiles, Bernard Tapie s’est éteint ce week-end à l’âge de 78 ans. Par son style décomplexé voire brutal, il a marqué le monde médiatique des années 1980-1990. Son débat contre Jean-Marie Le Pen en 1989, lors duquel il se moque ouvertement de son interlocuteur, a contribué à asseoir sa réputation : un bon client pour la télévision.

Connu pour son franc-parler, Bernard Tapie est devenu une véritable vedette – avant d’être rattrapé par d’interminables affaires judiciaires. Dire qu’il avait une passion pour la philosophie serait peut-être exagéré... Cela dit, nous avons retrouvé un étonnant échange entre lui et Guy Debord, au cours duquel le penseur fait de ce showman un acteur de la société du spectacle, à la fois central et anecdotique. Retour sur une improbable collision intellectuelle.

 

  • Une anecdote relie, indirectement, Bernard Tapie et Guy Debord. Nous sommes en 1986 à Bruxelles. Le premier intervient dans une émission de télévision à destination des managers. Un homme dans le public, qui se revendique de « l’avant-garde convulsiviste », l’interrompt : « Que signifie, Monsieur Tapie, dans votre livre – que vous ou l’un de vos nègres ont écrit pour vous –, des phrases entières tirées du livre de Guy Debord : La Société du spectacle ? » Tapie est interloqué. Il n’a, manifestement, jamais entendu parler du fondateur du situationnisme, apparemment plagié sans être cité dans son livre, Gagner (Robert Laffont, coll. Vécu, 1986). Il s’en sort par une pirouette : « Les grands esprits se rencontrent ».
  • Le plagiat – s’il est attesté – est en réalité limité. Il tient, essentiellement, en une formule de Bernard Tapie : « On ne parle plus que de l’apparence, et aux dix commandements, il faudrait certainement ajouter un onzième : être, c’est paraître ; paraître est être. » Et peut-être aussi à une seconde équivalence : « Tout ce qui est bon se montre ; tout ce qui se montre est bon. » Le propos est, effectivement, très similaire à la manière dont Guy Debord décrit la société du spectacle : « Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que “ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît”. L’attitude qu’il exige par principe est cette acceptation passive qu’il a déjà en fait obtenue par sa manière d’apparaître sans réplique, par son monopole de l’apparence. »
  • L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Guy Debord aura rapidement vent de l’épisode… sans y prêter grand intérêt. « C’est très injuste de reprocher à Tapie de s’inspirer de moi […] Tapie, ce pauvre diable, qui réellement n’a pu me lire », glisse-t-il dans une lettre à un ami, en 1986. Même tonalité dans sa correspondance avec Annie Le Brun de 1992 : « Il serait fort injuste de reprocher à Tapie d’être un homme riche, et aussi injuste de lui reprocher de ne pas être un homme riche : c’est un escroc dont les affaires sont de la cavalerie médiatique, comme l’essentiel de celles de son temps. »
  • C’est que, si Bernard Tapie est assurément une manifestation éclatante de la société du spectacle, cette manifestation n’en est au fond qu’un « reflet » sans importance. La société du spectacle n’est pas tant une question d’individus que de structure. Toujours dans la même lettre, il écrit : « Les apparences de [sa] psychologie ou de [son] caractère sont bien secondaires par rapport à ces réalités fondamentales, quoique ces facteurs ne soient pas négligeables pour déterminer des aptitudes individuelles. » La société du spectacle n’est pas produite par les « vedettes », elle rend possible l’existence de ces dernières. L’accusé Tapie est médiatiquement innocent !
  • Il y a par ailleurs un décalage incompressible entre la personne incarnant un personnage de la société du spectacle et l’individu qui se cache derrière, souligne Guy Debord : « L’agent du spectacle mis en scène comme vedette est le contraire de l’individu, l’ennemi de l’individu. […] Les gens admirables en qui le système se personnifie sont bien connus pour n’être pas ce qu’ils sont ; ils sont devenus grands hommes en descendant au-dessous de la réalité de la moindre vie individuelle, et chacun le sait. […] Les vedettes existent pour figurer des types variés de styles de vie et de styles de compréhension de la société, libres de s’exercer globalement. »
  • Bernard Tapie, qui reconnaissait passer « huit à dix heures par semaine » à travailler à sa « politique de communication » était, au moins en partie, conscient de cet écart. « Si j’étais tel qu’on me décrit, je me détesterais », soulignait-il. Le voilà, au moins, libéré de la tyrannie de l’image.
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