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Le général Pierre de Villiers, alors chef d'état-major des armées, lors du défilé du 14 juillet 2016 à Paris. © DENIS/REA

Politique

Général Pierre de Villiers, la “stratégie Camus” ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 08 décembre 2020 4 min

« Le général de Villiers pour “descendre” Marine Le Pen… » dans Challenges ; « Le général Pierre de Villiers ou la tentation d’une percée en politique » dans Le Monde : la possibilité d’une candidature à l’élection présidentielle de Pierre de Villiers, ex-chef d’État-Major des armées limogé en 2017 par Emmanuel Macron, fait son chemin dans le camp souverainiste. Une candidature d’autant plus « rassembleuse » qu’elle serait, aux yeux de ses supporters, non partisane. Comme Macron en 2017, mais avec une ligne politique tout autre. 

Les deux hommes, dont l’antagonisme n’est pas un mystère, partagent au moins cette volonté d’échapper aux clivages idéologiques, de se placer au-dessus de la mêlée. Tous les deux utilisent d’ailleurs une même rhétorique : l’appel au « bon sens ». Ce n’est pas pour rien que Pierre de Villiers a intitulé son dernier ouvrage (en forme de programme ?) L’Équilibre est un courage (Fayard). La formule est, comme il l’explique, empruntée au philosophe Albert Camus. Une référence qui peut sembler étrange, mais qui est pourtant régulièrement mobilisée dans les mouvements souverainistes. Michel Onfray lui consacrait un ouvrage en 2012. Marine Le Pen reprenait une citation (erronée) de lui en 2015. Camus l’anti-idéologue, l’« antisystème » est apprécié par les tenants d’une politique du « bon sens ». À tort ou à raison ?

  • Il faut rappeler, d’abord, le contexte de cette citation, tronquée, d’Albert Camus qu’utilise Pierre de Villiers : nous sommes en 1955, en pleine guerre froide ; nous nous trouvons à Athènes, berceau de la civilisation européenne. Camus échange avec l’intellectuel et futur homme d’État grec Constantin Tsatsos, qui évoque, pour le dire rapidement, la violence engendrée par la lutte à mort des idéologies sur la scène du monde : « Il y a, dans toutes ces idéologies, dès qu’elles se réalisent, […] une prédominance des éléments irrationnels, un esprit d’extrémisme. » 
  • De Villiers acquiescerait sans doute, lui qui, on le comprend, voudrait incarner une posture non partisane, sans idéologie. Une posture qui était déjà celle de Marine Le Pen : « Nous sommes des pragmatiques, nous ne sommes pas des idéologues », pouvait-elle, ainsi, affirmer. Avec un objectif : ramener son option « souverainiste » de l’extrémité de l’échiquier politique en son centre. La phrase pourrait, à vrai dire, avoir été prononcée par Emmanuel Macron, qui aime se présenter comme un anti-idéologue. Chacun semble avoir intégré que l’idéologie rejette celui qui s’en revendique aux marges du champ politique et que, pour gagner, c’est d’une manière ou d’une autre au centre qu’il faut être.
  • Or ce centre prend un nom commun chez Macron et chez son ancien général : le « bon sens » (populaire, paysan). « Le bon sens, c’est une stratégie, la stratégie apporte la confiance, et la confiance, c’est le carburant de l’autorité », écrit ainsi de Villiers. Un discours sans prétention qui éviterait les errements quasi délirants des intellectuels idéologues. Camus, dans sa réponse, semble aller dans ce sens : « Aujourd’hui, on dit d’un homme “c’est un homme équilibré” avec une nuance de dédain. En fait, l’équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l’avenir. » La « mesure » et l’« équilibre » contre les délires de la radicalité, en somme.
  • Pourtant, là où Macron comme De Villiers en appellent au bon sens sous le mode de l’évidence, Camus souligne que l’équilibre, le point médian, central, n’est jamais donné : « La mesure n’est pas le refus de la contradiction, ni la solution de la contradiction. La mesure, dans l’hellénisme […] a toujours été la reconnaissance de la contradiction et la décision de s’y maintenir, quoi qu’il arrive. » Au contraire, le bon sens est aujourd’hui revendiqué comme une manière d’échapper aux clivages. Il installe la politique dans le régime d’une prétendue unanimité du peuple. « Ma ligne de conduite, ma colonne vertébrale, c’est l’unité », écrit d’ailleurs de Villiers. Pourtant, alors qu’ils se revendiquent tous deux du bon sens, les options politiques de Macron et de l’ex-général paraissent diamétralement opposées sur bien des points (sur l’identité, sur l’islam, sur l’économie, sur le progressisme, etc.) Signe que le bon sens n’est pas si univoque qu’on le prétend.
  • Camus conteste en une occasion au moins la pertinence de l’idée de bon sens, dans L’Homme révolté : « Ce n’est pas la souffrance de l’enfant qui est révoltante en elle-même, mais le fait que cette souffrance ne soit pas justifiée. Après tout, la douleur, l’exil, la claustration, sont quelquefois acceptés quand la médecine ou le bon sens nous en persuadent. Aux yeux du révolté, ce qui manque à la douleur du monde, comme aux instants de son bonheur, c’est un principe d’explication. » Le « bon sens » est encore un « sens » – une catégorie que rejette en bloc Camus : « [La vie] sera d’autant mieux vécue qu’elle n’aura pas de sens. Vivre une expérience, un destin, c’est l’accepter pleinement. »
  • Donner du sens, sous quelque forme que ce soit, est une manière d’étouffer la vie et ce qui en fait l’étoffe, la révolte contre l’absurde. Ni Macron ni de Villiers n’endossent cette absurdité de l’existence – ils sont encore mois prêts à la penser en termes de révolte. Sans doute de Villiers se sent-il proche du Camus qui écrivait dans les notes préparatoires au Premier Homme : « L’autorité et non le pouvoir. » L’ex-général se perçoit, indéniablement, comme une figure d’autorité. Mais il sacralise cette autorité (« J’ai toujours assumé la dimension de verticalité, de transcendance », affirmait quant à lui Macron) plus qu’il n’en interroge l’ambiguïté fondamentale. Or, comme le montre Camus, l’autorité prend toujours le risque de sa propre contamination par la soif de pouvoir, lorsqu’elle s’adosse à un discours « prophétique », « messianique » prétendant donner son sens au monde. 
Retrouvez notre dossier consacré à Albert Camus
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