Françoise Tulkens, présidente-citoyenne engagée du “Tribunal Monsanto”
« La légalité du Tribunal provient à la fois de son impuissance absolue et de son universalité », déclarait en 1967 Jean-Paul Sartre en ouvrant le Tribunal international Russell-Sartre destiné à dénoncer les crimes de guerre de l’armée américaine au Vietnam. Françoise Tulkens, la présidente du Tribunal Monsanto qui s’est ouvert en octobre dernier à La Haye pour juger les crimes de la multinationale américaine productrice de biotechnologies agricoles, aurait pu utiliser la même formule. Cette juriste belge, qui a siégé à la Cour européenne des droits de l’homme et qui conçoit le droit pénal comme « un outil de protection et d’émancipation des personnes », a précisé en ouverture que la Cour n’entendait pas rendre un jugement, bien qu’elle ait eu le souci de respecter les formes et les procédures contradictoires d’une cour pénale internationale et d’inviter Monsanto – qui a décliné – à se défendre. « Il n’y aura pas même de condamnation morale, car un tribunal ne fait pas de morale », précise Tulkens. Non, il s’agit d’abord d’établir les faits, d’entendre les victimes et de forger des outils juridiques mobilisables par la société civile. Aux côtés d’agriculteurs du monde entier, on a ainsi entendu le cas tragique du petit Théo, un Français de 9 ans, probablement contaminé dans le ventre de sa mère par un désherbant Monsanto et opéré depuis sa naissance plus de cinquante fois du fait de malformations de son système digestif… « Ce ne sont pas à des individus isolés de se saisir de ces problèmes », a déploré sa mère. En effet, si le droit à la santé et à une alimentation saine fait partie des grandes conventions internationales adoptées à l’ONU, seuls les États sont liés par ces conventions, et il est donc difficile de les faire valoir face à une multinationale comme Monsanto. Au-delà de la responsabilité pénale des entreprises, l’avis « sérieux et solide » que doit rendre la Cour se penchera également sur l’accusation et la définition juridique du crime d’« écocide », « soit un “génocide” attaché à l’environnement, des atteintes à l’environnement qui altéreraient de façon grave et durable les écosystèmes dont dépend la vie des humains ». Convaincue que le droit « suit la société civile », la magistrate entend ainsi « faire progresser le droit international des droits de l’homme ». Sartre ne disait sans doute pas autre chose.
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