Françoise Dastur : “L’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister”
Pour la philosophe, qui vit isolée à la campagne, le confinement peut être l’occasion d’instaurer un rapport au monde et à soi plus essentiel. En s’appuyant autant sur les réflexions de Husserl et de Heidegger consacrées au temps vécu et au rapport à la mort que sur le bouddhisme, elle propose de faire l’expérience de la durée et de la méditation.
À titre personnel, comment vivez-vous l’épidémie et le confinement ?
Françoise Dastur : Avec mon mari, nous résidons en Ardèche, dans un village de 300 habitants où il n’y a rien, pas même un commerce. Nous habitons depuis des décennies à la campagne et aimons ces conditions. C’est pourquoi le confinement ne change pas grand-chose pour nous. Ce qui nous manque le plus, toutefois, c’est de ne pas pouvoir rendre visite à nos amis.
“Avec cette crise, la civilisation du loisir va être très profondément remise en question”
Françoise Dastur
Cette crise remet-elle en cause notre modèle de civilisation ?
Elle remet fortement en question la mondialisation. Il est intéressant de relire aujourd’hui un ouvrage fondateur, qui date des années 1960 : L’Homme unidimensionnel, de Herbert Marcuse, ancien élève de Heidegger naturalisé américain. Il critique la réduction de notre humanité à une seule référence (« l’unidimensionnel ») produite par l’industrie libérale, celle du consommateur et des modes de vie standardisés. Notre civilisation a promu le tourisme de masse, la folklorisation des cultures, un divertissement homogène, provenant principalement des États-Unis, ou encore le globish au lieu de la diversité des langues. Or, avec cette culture du divertissement, on essaie d’échapper au souci profond qui devrait être le nôtre : celui de prendre conscience de ce qui est réellement important pour les mortels que nous sommes.
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