Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Yakoutie (nord-est de la Sibérie, Russie), le 12 août 2019. Image satellite révélant que les incendies de l’Arctique se sont rallumés après avoir couvé tout l’hiver. © Copernicus Sentinel/Sentinel Hub/Pierre Markuse

Le concept du jour

Feux zombies : des incendies sous la terre

Octave Larmagnac-Matheron publié le 07 juin 2021 3 min

Les tourbières, écosystèmes marécageux constitués de matière organique décomposée, couvrent plus d’un million et demi d’hectares… et renferment 415 milliards de tonnes de CO2, soit presque autant que la totalité des arbres de la planète. Un réservoir de combustible considérable pour les incendies. La tourbe qui compose leur sol est si riche qu’elle permet à ces feux de survivre, d’hiberner sans cesser de brûler, pendant l’hiver, pour mieux repartir l’été venu. Le réchauffement climatique, particulièrement intense dans les zones arctiques, aggrave sans conteste ce phénomène de « feux zombies » : « Il semblerait que nous les observions clairement plus souvent, au cours de mes trente ans de relevés », explique l’écologue Randi Jandt. Une menace invisible pour ces écosystèmes fragiles auquel nous prêtons bien peu d’attention, explique le philosophe John Baird Callicott.

 

  • Presque indétectables, les feux zombies qui rongent lentement les sols arctiques ne suscitent pas la même émotion qu’un arbre amazonien en feu. Il n’y a pas grand-chose à voir, de toute façon, dans les tourbières – pas grand-chose à consumer : peut-être quelques espèces en danger, mais surtout de la terre, de la mousse, et des plantes dont John Baird Callicott précise d’emblée qu’elles « ne sont pas belles selon les standards des jardins. » Le philosophe s’y promène souvent, mais l’environnement n’est pas franchement hospitalier : « Mes chaussures et mon pantalon sont mouillés, ma peau écorchée. » Sans compter les « moustiques et les mouches noires ». Bref, « l’expérience n’est pas particulièrement plaisante, ni même spectaculaire. » Les tourbières suscitent rarement l’intérêt, et leur disparition attriste en conséquence bien peu.
  • Quelque chose, pourtant, fascine Callicott dans les tourbières. Pour qui sait faire attention, « une rare musique s’en dégage. Une musique orchestrée et profondément émouvante. » Encore faut-il, pour la percevoir, renoncer à nos présupposés esthétiques. « La beauté de la tourbière ne consiste pas en l’accumulation d’objets intéressants » en eux-mêmes. « Sa beauté est plutôt fonction de l’unité palpable des composés vivants interconnectés. La sphaigne, et le régime chimique qu’elle impose, est la base de cette petite communauté. […] Il y a là une correspondance adéquate qui n’est pas si différente d’une bonne symphonie », entre des êtres qui ne peuvent vivre les uns sans les autres.
  • Le terme même de « tourbe » fait signe vers cette « communauté de la terre » : lorsque les Latins traduisirent de l’arabe l’un des premiers grands textes de l’alchimie médiévale, le Turba philosophorum, « l’assemblée des philosophes », c’est par turba, un mot certes attesté mais plutôt inhabituel, qu’ils choisirent de rendre l’idée de réunion. La proximité sonore avec la racine indo-européenne qui a donné l’anglais turf, « motte de terre », qui évoquait aussi l’arabe turâb (تراب), « le sol », « la poussière », est un choix délibéré. Le Turba philosophorum devient ainsi l’indice fortuit que quelque chose dans la communauté de vie qui se rassemble dans la terre mérite notre intérêt… pour qui sait y faire attention.
  • À l’évidence de la beauté plastique de la nature, celle des grandes forêts tropicales colorées, Callicott oppose justement la beauté sans atours, plus exigeante, des mornes marécages. Une beauté qui n’est pas immédiate, mais demande un détour : « Ces connexions et ces relations ne sont pas directement senties […], elles sont connues et projetées […] par l’esprit de l’observateur. C’est un acte conceptuel qui complète l’expérience sensorielle », qui permet de s’affranchir du caractère d’abord « inconfortable » de la promenade en tourbière.
  • La beauté de la nature peut sans doute participer à la prise de conscience écologique. Mais il est bien possible que les milieux les moins spectaculaires, comme les tourbières, restent en marge de cette prise de conscience, parce que percevoir leur beauté réclame un effort. Même lorsqu’ils sont particulièrement vulnérables. La plupart des vivants qui habitent les tourbières leurs sont, ainsi, « caractéristiques » : ils ne pourraient probablement perdurer en dehors de ce milieu extrêmement singulier. La tourbière ne supporte pas le changement : elle est d’autant plus fragile que son harmonie est parfaite, que tout y est interconnecté, et que la perturbation du moindre facteur menace le tout. Il y a donc à parier que les feux zombies, nourris par le réchauffement climatique, continueront à brûler en silence, dans une relative indifférence…
Pour aller plus loin : découvrez le “Pyrocène” de Joëlle Zask
Expresso : les parcours interactifs
Faire l’amour
Que fait-on quand on fait l'amour ? Tentons-nous de posséder une part de l'autre, ou découvrons-nous au contraire son mystère, sa capacité à nous échapper sans cesse, faisant redoubler notre désir ?
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
“La philosophie comme restauration cosmologique.” Baptiste Morizot présente J. Baird Callicott
Baptiste Lanaspeze 27 août 2021

Voici quelques extraits choisis au début du riche entretien accordé par Baptiste Morizot, auteur des Diplomates (éditions Wildproject, 2016) et de…

“La philosophie comme restauration cosmologique.” Baptiste Morizot présente J. Baird Callicott

Article
5 min
"Protéger nos forêts, c’est aussi préserver des souvenirs et des rêves"
Ariane Nicolas 24 août 2021

Le Var, l’Algérie, la Grèce, l’Australie, la Sibérie, la Californie… Dans le monde, les « méga-feux » se multiplient. Favorisés par le…

"Protéger nos forêts, c’est aussi préserver des souvenirs et des rêves"

Article
9 min
J. B. Callicott : “Si nous tentons stupidement de quitter la Terre, nous sommes perdus”
Sven Ortoli 19 septembre 2020

Dans le hors-série numéro 9 de Philosophie magazine paru en 2011, Le Cosmos des philosophes, le grand penseur de l’écologie John…

J. B. Callicott : “Si nous tentons stupidement de quitter la Terre, nous sommes perdus”

Article
12 min
L'esthétique environnementale face au changement climatique
Alexandre Lacroix

La déplétion des écosystèmes terrestres et le réchauffement climatique secouent l’esthétique environnementale, une discipline méconnue qui a pris son essor il y a quelques décennies. Et posent une question de fond : notre…


Article
3 min
La catastrophe climatique à feu doux
Ollivier Pourriol

Oscar du meilleur film documentaire en 2006, Une vérité qui dérange, film états-unien réalisé par Davis Guggenheim en 2006, repose sur la prestation d’Al Gore, ancien vice-président des États-Unis (1993-2001), dans sa croisade…


Entretien
6 min
Joëlle Zask face au temps des mégafeux
Joëlle Zask 29 juin 2022

Aux États-Unis, en Grèce, en Australie, en Sibérie et même dans le Var… Partout dans le monde, les « mégafeux » se multiplient. Ces…

Joëlle Zask face au temps des mégafeux

Article
1 min
“J'agis pour le climat” (Marabout)
15 septembre 2020

À l’occasion de la sortie de notre hors-série Philosophie du réchauffement climatique, tentez de gagner le livre J’agis pour le…

“J'agis pour le climat” (Marabout)

Article
4 min
Les alternatives face au réchauffement climatique
Octave Larmagnac-Matheron

Pour imaginer des alternatives au réchauffement climatique, les esprits bouillonnent. Panorama des pistes envisagées, de l’écocapitalisme à la décroissance et l’écoféminisme.


À Lire aussi
"L’Éthique de la terre", de J. Baird Callicott
"L’Éthique de la terre", de J. Baird Callicott
Par Alexandre Lacroix
août 2021
E. Cappellin : “Prendre conscience de la crise climatique passe par une alliance d’émotion, d’information et de courage”
E. Cappellin : “Prendre conscience de la crise climatique passe par une alliance d’émotion, d’information et de courage”
Par Hannah Attar
octobre 2021
Peut-on réparer le climat ? Entretien avec Frédéric Neyrat
Par Octave Larmagnac-Matheron
juillet 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Feux zombies : des incendies sous la terre
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse