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Park Eun-bin interprète Woo Young-woo dans la série “Extraordinary Attorney Woo”. © Netflix

Philo en série(s)

“Extraordinary Attorney Woo”, une réflexion sur l’autisme

Caroline Pernes publié le 01 octobre 2022 5 min

La nouvelle série coréenne Extraordinary Attorney Woo met en scène une avocate autiste qui oscille entre inadaptation et génie. Mais elle dépasse les clichés et offre une vision bien plus nuancée du trouble autistique. Voici comment.

 

Comme tout bon mordu de k-drama – ou, pour les non-initiés, de séries coréennes –, j’ai regardé (et adoré) Extraordinary Attorney Woo (이상한 변호사 우영우). Disponible en 16 épisodes sur Netflix, c’est l’histoire d’une jeune avocate, Woo Young-woo, engagée par un grand cabinet à Séoul. Atteinte d’un trouble du spectre autistique, et interprétée par Park Eun-bin, Young-woo doit défendre ses clients tout en faisant accepter ses singularités au sein de son équipe. À la fois complexe, drôle et poétique, ce drama regorge de messages philosophiques. Petit podium des moments qui font penser !

Le mythe de l’autiste génial

Young-woo est atteinte d’un trouble du spectre autistique. La série insiste sur ses difficultés d’adaptation et de communication, mais aussi sur sa vision du monde « neuroatypique », qui fait d’elle, comme le dit jalousement son collègue Kwon Min-Woo (Joo Jong-hyuk), « un génie ». Young-woo incarne le mythe de l’autiste génial, qui, comme le rappelait la psychologue Séverine Leduc dans un entretien à Philosophie magazine, vient essentiellement de leurs intérêts spécifiques, qui les poussent à « collecter un nombre très important d’informations sur un sujet particulier, leur permettant de devenir des sortes d’hyper-experts dans leur domaine ». Ainsi Young-woo est capable à 8 ans de réciter des articles du code pénal pour défendre son père attaqué par un voisin. Des années plus tard, en tant qu’avocate, sa connaissance encyclopédique de la loi et sa mémoire photographique lui permettent de résoudre les affaires avec brio. Ces moments de génie sont représentés par des connexions visuelles : elle ferme les yeux, et c’est comme si elle parcourait du regard l’immense base de données stockées dans son cerveau. Pour autant, si l’autisme est essentiellement présenté chez elle comme source de créativité, la série parvient avec intelligence à rendre compte de l’immense largeur du trouble du spectre autistique. Dans l’épisode 3, Young-woo doit défendre un client lui aussi autiste, accusé d’avoir tué son frère. C’est un jeune homme immense, avançant d’un pas lourd dans les couloirs du cabinet, des lunettes de soleil et une casquette vissée sur la tête. Il ne peut rien faire sans sa mère, se comporte comme un enfant de 6 ans, et est dans l’incapacité de communiquer – y compris sur ce qui s’est passé avec son frère.

Dans Un enfant sans histoire (Actes Sud, 2022), Minh Tran Huy illustre ce fossé entre les autistes « géniaux » qui parviennent à s’insérer et à briller en société, et les individus atteints d’un trouble plus profond, qu’on ne sait pas comment accueillir. En retraçant parallèlement le parcours de son fils, Paul, et de l’experte en zootechnie et écrivaine américaine Temple Grandin, elle montre comment un trouble en apparence similaire peut conduire vers des destins radicalement différents. Cette distinction entre Young-woo et son client recoupe celle entre Temple et Paul, et pose une question similaire. Si la « différence féconde, productive, enrichissante » est célébrée, comment la société doit-elle traiter ceux « dont la différence n’est pas considérée comme un atout » ?

La valse des portes tournantes

Le trouble de Young-woo se manifeste régulièrement dans sa manière de se tenir, de marcher, de se comporter. La série joue sur les ressorts comiques de ce qui peut paraître au premier abord comme des manies ou des bizarreries. Elle doit par exemple fermer les yeux avant d’entrer dans une pièce, répéter une série identique de mots avant de se présenter à quelqu’un, ou encore manger exactement le même repas tous les jours. L’un des éléments les plus drôle est sa difficulté, au fil des épisodes, à passer les portes tournantes du cabinet. Elle ne parvient pas à suivre la rotation automatique. Lee Jun-ho (Kang Tae-oh), un charmant collègue, entreprend alors de lui apprendre à franchir la porte en suivant le rythme d’une valse. « Un, deux, trois », avancer d’un pas, attendre, avancer… Il lui montre que ce mouvement n’est rien d’autre qu’une chorégraphie à incorporer.

Une analyse que l’anthropologue Marcel Mauss aurait sans doute partagée. Dans Les Techniques du corps (1934) il remarque en effet que tous nos gestes, y compris ceux qui nous paraissent les plus naturels comme marcher, sont en réalité des techniques apprises par le corps pour remplir une fonction précise : « L’éducation fondamentale de toutes ces techniques consiste à faire adapter le corps à son usage ». La difficulté de Young-woo à exécuter ce mouvement avec aisance est liée à son trouble autistique, qui l’empêche de saisir l’implicite des situations sociales. Mais sa gêne met en évidence la technicité de nos gestes les plus quotidiens. La solution de Jun-ho souligne avec poésie à quel point nos mouvements quotidiens sont rythmés, chorégraphiés et pratiqués jusqu’à ce qu’ils paraissent parfaitement naturels.

Les nouilles de Proust

Dans l’un des épisodes les plus marquants de la série, le supérieur de Young-woo, Jung Myung-seok (Kang Ki-young), apprend qu’il est atteint d’un cancer de l’estomac. Ce diagnostic le pousse à remettre toute son existence en question, et en particulier les sacrifices personnels qu’il a dû effectuer pour réussir en tant qu’avocat. À l’occasion d’une affaire sur l’île de Jeju, où se trouvent parmi les paysages les plus remarquables de Corée du Sud, il donne au voyage le goût d’une réminiscence de ses meilleurs souvenirs. Là-bas, il apprend avec désespoir que son restaurant de nouilles préféré, Haengbok Noodles, a fermé. Ses collègues entreprennent alors de retrouver le chef qui pourra cuisiner à nouveau ce bouillon à la saveur si particulière. Le plat de nouilles à la viande derrière lequel courent tous les personnages n’est rien d’autre que la version coréenne de la madeleine de Proust – soit ce contact avec le passé provoqué par le goût d’une madeleine trempée dans une tasse de thé que décrit Marcel Proust dans Du coté de chez Swann : « L’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. » De la même manière, la saveur des nouilles à la viande n’est pas uniquement un moyen pour Jung Myung-seok de se rappeler de bons moments. Les nouilles lui permettent littéralement de jouir à nouveau du passé. Quand, à la fin de l’épisode, il savoure enfin le plat en compagnie de ses collègues, la joie passée est vécue à nouveau. Le moment prend toute son importance face à la perspective de la maladie et de la mort : il ne s’agit pas tant de regretter le passé que de le faire advenir à nouveau, combattant la marche du temps. La madeleine de Proust comme les nouilles de Myung-seok sont le signe que le passé peut redevenir présent, et offrir un accès au « temps retrouvé ».

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