Eric Klinenberg : « Le célibat n’est pas un choix tragique »
Pourquoi de plus en plus de personnes, dans les pays développés, optent pour la vie en solo ? Réponses avec le surdoué de la sociologie américaine Eric Klinenberg, que nous avons rencontré en marge du festival Mode d’emploi à Lyon.
Dans votre livre Going Solo, vous commencez par montrer que l’image de la solitude est, traditionnellement, négative. Pourquoi ?
Eric Klinenberg : Je dirais que les représentations de la solitude sont ambivalentes dans la tradition occidentale. D’un côté, vous trouvez une survalorisation de la solitude, en tant qu’elle est censée vous offrir le temps de réfléchir vraiment au sens de votre vie, de vous adonner à la contemplation, de créer des œuvres d’art – et notre tradition a toujours valorisé un certain individualisme dans la quête de la vérité et de la beauté. Mais de l’autre côté, il y a aussi une véritable méfiance envers les solitaires, suspects d’asociabilité et d’immoralité – ils sont souvent désignés par les textes fondateurs comme un objet de scandale ou d’incompréhension. Dans la Genèse, après avoir créé Adam, Dieu se ravise, je cite : « Yahvé Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie », et c’est pourquoi il crée Ève. Dans la tradition grecque, Aristote définit l’homme comme un zoon politikon, un « animal politique », et précise dans Les Politiques que « celui qui n’est pas capable d’appartenir à une communauté ou qui n’en a pas besoin parce qu’il se suffit à lui-même […] est soit une bête soit un dieu ».
Et vous, quelle image avez-vous de la solitude ?
Avant de poursuivre, je voudrais faire une clarification conceptuelle assez élémentaire. Le thème de la solitude est tellement saturé de sentimentalité que, sitôt qu’on l’aborde, notre vocabulaire manque de netteté. En anglais, il n’est pas très facile de distinguer alone de lonely ; en français, on tend de même à confondre « seul » et « isolé ». Pourtant, en toute rigueur, l’isolement désigne d’abord un fait social : celui de se trouver seul. La solitude désigne un état psychologique : le fait de se sentir seul. Lors des nombreux entretiens que j’ai menés, je me suis aperçu que cette distinction était indispensable pour comprendre que certaines personnes qui vivent en couple depuis des années se décrivent comme souffrant d’une profonde solitude ; à l’inverse, certains célibataires ne se sentent jamais seuls, étant donné que, s’ils sont bien les uniques habitants de leur logement, ils ont de multiples relations professionnelles, amicales et amoureuses. Cette distinction simple m’a amené à revoir mes préjugés initiaux et à dissocier la situation du célibat – objet sociologique sur lequel porte mon étude – et le sentiment de solitude.
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