1/ Tout seul

Philosophes, encore un effort pour démythifier la solitude !

Alexandre Lacroix publié le 3 min

On connaît le célibat des prêtres, mais on ignore généralement qu’il existe aussi un célibat philosophique, dont la tradition est plus ancienne encore.

Elle remonte au moins aux balbutiements de notre ère, et l’on en trouve l’une des descriptions les plus flatteuses dans un petit livre de Philon d’Alexandrie (20 av. J.-C.-50 apr. J.-C.), intitulé De la vie contemplative. Le philosophe juif de culture hellénistique y décrit, un peu à la manière d’un reporter, les mœurs de la secte des Thérapeutes, à laquelle il semble avoir rendu visite. Ceux-ci vivent dans les collines autour d’Alexandrie et du lac Maria; « ils font profession d’une médecine supérieure à celle qui a cours dans les villes, qui ne guérit que le corps, tandis que la leur délivre les âmes ». Celui, homme ou femme, qui embrasse la vie des Thérapeutes commence par abandonner et distribuer ses biens soit à ses enfants, soit à ses proches, puis « il s’enfuit sans retour – abandonnant frères, enfants, femmes et parents ». Les thérapeutes s’établissent « dans des jardins ou des lieux solitaires ». Végétariens, étanchant leur soif seulement par de l’eau et dédaignant le vin, n’ayant volontairement ni esclaves ni serviteurs, ils consacrent leurs journées à la contemplation de l’Être. Ils restent en solitude, vivant au rythme du soleil, pendant six jours de la semaine, et le septième ils se retrouvent pour dialoguer et lire des textes ensemble… Par l’enthousiasme qui porte sa description, le texte de Philon a été considéré comme une source d’inspiration pour les chrétiens d’Orient, surtout pour ceux qui, comme saint Antoine, ont fait le choix de vivre en ermite… Mais il y a un peu d’anachronisme dans la lecture religieuse de son ouvrage, car la secte des Thérapeutes est moins une religion, au sens où nous l’entendons, qui demanderait de croire en certains articles de foi, qu’une philosophie pratique.

Expresso : les parcours interactifs
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