Hors-série "La Renaissance"

Édito : "Comme un miroir"

Sven Ortoli publié le 2 min

Un nouveau média qui change tout, un souffle de liberté, la mondialisation, la découverte du corps, le dégel du désir et la libération des individus, le tout sur fond de guerres de Religion et d’angoisses apocalyptiques… Les hommes de la Renaissance ont vécu cela bien avant nous.

 

Les uns pensaient vivre une période de déclin : « tournons les yeux partout, le monde croule autour de nous », écrit Montaigne. Les autres espéraient un monde nouveau, comme Thomas More, « d’où tous les germes d’ambition, de faction, [seraient] extirpés avec tous les autres vices ». Mais s’ils ne sont pas parvenus dans l’île d’Utopie, ils ont, à eux tous, construit des œuvres rayonnantes, inventé l’humanisme et mis en perspective le monde et les étoiles. Et nous avons autant à apprendre d’eux qu’ils ont eux-mêmes appris de l’Antiquité « par lesquelles histoires, écrit Guillaume Budé, on voit, quasi comme un miroir, les choses passées comme les présentes ».

 

Aucune métaphore n’exprime mieux cette volonté de se réapproprier le passé que le voyage de Pantagruel « aux confins de la mer de Glace » lorsque, le printemps venu, les clameurs gelées des combattants d’une bataille menée l’hiver précédent se mettent à fondre, faisant entendre aux explorateurs émerveillés « des mots d’azur, des mots de sable, des mots dorés ». Des mots qui ont voyagé dans le temps comme les manuscrits de Cicéron, de Lucrèce ou de Quintilien que l’un des grands humanistes du Quattrocento, le Pogge, va dénicher au fond des bibliothèques de Cluny, de Fulda ou de Saint-Gall. Et si lui et ses pairs cherchent les ouvrages disparus des philosophes antiques, ce n’est pas pour les ânonner : « je ne cherche pas cet homme de bien, ce sage stoïque que personne n’a rencontré », écrit le Pogge. L’homme qu’il cherche est imparfait mais il privilégie la vérité des faits contre l’autorité de la tradition, et c’est lui qu’apostrophe le néoplatonicien Pic de la Mirandole, quatre ans après la découverte de l’Amérique : « toi, tu n’es limité par aucune barrière ». C’est presque un slogan de la Silicon Valley. Sauf que l’humanisme n’est pas le transhumanisme et que ceux qui ne savent plus très bien aujourd’hui quelle est notre place entre l’animal et l’IA, trouveront dans l’anthropocentrisme chrétien de la Renaissance des lectures plus subtiles. Comme celle de Charles de Bovelles : « tu es homme, tiens bon dans l’homme ». Reste humain, en somme.

 

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