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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Green Park, près du palais de Buckingham, Londres (Royaume-Uni), le 11 septembre 2022. Un homme arborant une veste aux couleurs de l’Union Jack, drapeau du Royaume-Uni, se recueille devant des gerbes de fleurs déposées en l’honneur de la reine Élisabeth II. © Daniel Leal/AFP

Du génie anglais

Martin Legros publié le 12 septembre 2022 4 min

En entendant les réactions ironiques de certains de ses camarades français, soucieux d’opposer leurs convictions républicaines à l’émotion collective ressentie par les Anglais au lendemain de la mort de la reine Élisabeth II, notre rédacteur en chef Martin Legros a répondu à l’appel de Marc Bloch, qui invitait à ne pas se rendre “imperméable aux jaillissements de l’enthousiasme collectif”.

 

« Dans L’Étrange Défaite, écrit en 1940, où il tente de comprendre sur le vif les raisons morales et politiques de l’effondrement de la France face à l’Allemagne nazie, Bloch a avancé cette formule restée célèbre : “Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.” Au lendemain de la mort de la reine Élisabeth II, je serais tenté de compléter sa formule en disant : “Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire du Royaume-Uni : ceux qui refuseront de vibrer quand le God Save the Queen retentira dans l’abbaye de Westminster pour les funérailles de la reine ; et ceux qui lisent sans émotion les paroles que prononce le personnage du bâtard dans La Vie et la Mort du roi Jean de Shakespeare, des paroles citées par George Orwell sur les ondes de la BBC en 1941 tandis qu’il appelait ses compatriotes à ne pas fléchir sous les bombardements allemands : ‘Les trois coins du monde peuvent se ruer en armes sur nous et nous braverons leur choc. Nul malheur ne nous arrivera, tant que l’Angleterre restera fidèle à elle-même.’”

À quoi tient le génie anglais ? Au-delà d’une longue série de traits culturels spécifiques (qui vont de l’Habeas corpus et de l’attachement radical aux libertés individuelles à la culture du pub, en passant par l’amour des fleurs sur lequel insistait Orwell), je dirais que le génie anglais tient à la capacité qu’a ce peuple de s’attacher passionnément à certains usages, aussi codés que bizarres, qui attestent d’une tournure d’esprit les mettant à part, tout en parvenant – là est le génie ! – à faire partager, ou du moins admirer, ces mêmes usages par le monde entier. Premier exemple : le football. N’est-il pas devenu le premier sport mondial, alors qu’il est fondé sur l’interdit de toucher le ballon de la main, pourtant atout maître de la condition humaine, et en dépit de la règle si étrange du “hors-jeu” ? Autre exemple : le système juridique de la Common law, fondé sur le principe de la jurisprudence et la fort conservatrice règle du précédent, qui a été adopté par un très grand nombre de nations exceptées celles ayant subi l’influence française du droit civil écrit. Comment comprendre que le monde juridique et économique moderne, pourtant attaché à des règles claires et des principes cohérents, ait plébiscité un système juridique fondé sur le respect de l’esprit des décisions passées ? Dernier exemple : le rock’n’roll. À la différence de la catégorie universelle de la musique dite “classique”, le rock conserve de par son seul nom, sa marque d’origine… et se montre d’ailleurs capable d’être une force critique radicale de l’esprit anglais – pour rappel, The Queen Is Dead est un titre des Smiths datant de 1986… Il est vrai qu’il y a eu quelques loupés dans ce plébiscite mondial du génie anglais : le système métrique anglais (même si Greenwich incarne tout de même le point de référence universel du temps), ou encore la conduite à gauche (même s’ils ont réussi à l’imposer dans les chemins de fer du monde entier)… Là où les autres nations, comme la France et l’Amérique hier, peut-être la Chine demain, sont tentées de faire valoir au reste du monde des inventions universalisables, les Anglais font une proposition à la fois plus modeste et plus prégnante au monde : ils proposent des usages.

C’est exactement ce qu’il s’est passé sous nos yeux, quand on y pense, avec les cérémonies entourant la mort de la reine Élisabeth II. Qu’est-ce qui a fait vibrer le monde, en entendant ces deux formules prononcées à la suite l’une de l’autre : “The Queen is dead !”, “God save the King !” ? Une certaine manière de donner forme à la transcendance du pouvoir ? Une certaine idée de la fidélité aux épreuves du passé qui permet à un peuple de rester une nation ? Une occasion d’éprouver la traversée de la mort à l’échelle collective ? Je ne sais pas. Mais aucune nation ne pense à s’approprier ces usages, et toutes ont les yeux rivés sur l’Angleterre… On peut au moins s’en étonner. Quant à ceux qui ironisent devant le témoignage de fidélité qu’expriment les Anglais à leur reine et à leur roi, ils se rendent “imperméables, comme disait Bloch, à toute idée d’enthousiasme collectif”. »

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