Dans la tête de Benoît XVI

Décédé samedi dernier à l’âge de 95 ans, Benoît XVI laisse un souvenir ambivalent, celui d’un homme à la fois humble et intransigeant, moderne et conservateur. Mais si le « pape émérite » n’a pas été un grand politique, les avis sont unanimes pour dire qu’il reste l’un des meilleurs théologiens de son époque, un penseur capable de débattre avec des philosophes de tous bords. Retour sur le parcours et les idées de Joseph Ratzinger.

Naissance d’un théologien

Né en 1927 à Markl, village de Bavière, Joseph Ratzinger a été élevé dans une famille pieuse et modeste (son père était officier de gendarmerie). Entré en 1939 au petit séminaire de Traunstein, puis formé, comme son frère, au grand séminaire de Freising, près de Munich, il étudie, parallèlement à sa formation théologique, la philosophie pendant deux ans où il s’initie à la pensée de Nietzsche, de Bergson ou de Heidegger. Il se dit d’ailleurs impressionné par le livre Je et Tu de Martin Buber, penseur juif ayant inspiré Levinas. Il devient docteur en théologie après avoir soutenu en 1953 une thèse de doctorat sur le sujet « Peuple et maison de Dieu dans la doctrine de l’Église de saint Augustin », puis, en 1957 une thèse d’habilitation sur « La théologie de l’Histoire chez saint Bonaventure ». Devenu prêtre en 1961, il est nommé, très jeune, professeur de théologie fondamentale à Freising, puis enseigne à Bonn et à Munster. Repéré par le cardinal de Cologne Joseph Frings, il devient son assistant au concile Vatican II.

Son ascension rapide l’amène à occuper en 1966 la chaire de dogmatique au célèbre séminaire de Tübingen (où avait été formé Hegel, et que raillait Nietzsche). Mais l’époque est peu propice à son enseignement : Ratzinger quitte son poste au bout de deux ans, heurté par ce qu’il appellera la « ferveur athée » des étudiants. Comme son collègue Hans Küng, auquel il ne tarde pas à s’opposer parce que trop progressiste à ses yeux, il prend acte que la religion catholique doit se rendre audible avec des termes nouveaux. Il publie à cette fin une Introduction au christianisme (1968) dont il reprend certaines idées dans Le Catéchisme de l’Église catholique, œuvre commune dont Jean-Paul II lui demande de superviser la rédaction et qui sert aujourd’hui de base d’enseignement dans tout le monde catholique, rénovant en profondeur les idées du précédent catéchisme, vieux de plus de quatre cents ans. Parti enseigner à Regensburg puis à l’université de Ratisbonne, il participe, avec Urs von Balthasar, Henri de Lubac et Jean Daniélou, à la création en 1972 de la revue Communio qui ne tarde pas à concurrencer la revue Concilium, créée après Vatican II, en se présentant comme plus moderne et ouverte qu’elle – mais qui s’est surtout révélé très « romaine » par ses prises de position.