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Paris, le 19 avril 2018. Robert Badinter dans son bureau. © Joël Saget/AFP

Hommage à Robert Badinter

Entretien exceptionnel avec Robert Badinter : “Comment fonder philosophiquement l’abolition de la peine de mort ?”

Robert Badinter, propos recueillis par Benoît Basse publié le 14 février 2024 14 min

Le 4 mai 2010, alors qu’il prépare sa thèse sur « la question philosophique de la peine de mort », le doctorant Benoît Basse rencontre Robert Badinter à son domicile parisien. S’ensuit une discussion passionnée sur ce que l’ancien garde des Sceaux estime être le fondement philosophique du refus catégorique de la peine capitale. À l’occasion du décès de Robert Badinter, Benoît Basse, désormais chargé de cours à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, nous a confié cet entretien, où le juriste expose en profondeur ses arguments en convoquant de nombreux philosophes classiques. Un texte rare et précieux, à découvrir en exclusivité sur philomag.com.

 

Conformément à la volonté de Robert Badinter, qui souhaitait que cet entretien soit publié dans une revue spécialisée, et en accord avec sa veuve Élisabeth Badinter, cet article est réservé aux abonnés. Pour y avoir accès dans son intégralité, choisissez ici l’offre d’abonnement qui vous convient.

 

Monsieur Badinter, quel est d’après vous le fondement ultime qui justifie l’abolition de la peine de mort ? 

Robert Badinter : C’est le droit au respect de sa vie. Il s’impose à tous. Bien entendu, les assassins n’en font aucun cas. Mais en ce qui concerne l’État, qui est le dépositaire et le garant de ces valeurs, le respect de toute personne s’impose à lui, hors bien sûr les périodes de guerre. Par conséquent, là est le fondement philosophique de l’abolition dans notre temps. 

“Tout être humain a droit au respect de sa vie. C’est le premier des droits de l’homme”

 

Est-ce donc sur l’idée d’un droit inaliénable que vous vous fondez ?

Oui, c’est le premier des droits de l’homme. Tout être humain a droit au respect de sa vie. C’est d’ailleurs le fondement même de la condamnation de l’homicide, ce qui n’implique pas la peine de mort pour l’assassin. Il y a beaucoup d’autres arguments : la relativité de la décision judiciaire, le caractère circonstanciel de tout procès, l’infinie diversité des sensibilités de ceux qui jugent, etc., qui interdisent le caractère absolu et irréversible de la condamnation à mort. Tout cela est largement évoqué depuis Cesare Beccaria [1738-1794, juriste pénaliste italien qui fut l’un des premiers opposants à la peine capitale] jusqu’aux doctrines contemporaines. 

“Je crois que l’homme porte en lui un instinct de mort, et que le crime atroce suscite chez les autres le réveil de ce même instinct”

 

Vous avez dénoncé à maintes reprises l’inutilité de la peine de mort. S’agissait-il simplement de répondre à vos adversaires sur le même terrain qu’eux, ou bien considérez-vous que c’est un argument essentiel ? 

Il a un poids considérable. Les benthamiens [partisans de la doctrine de Jeremy Bentham, l’utilitarisme, qui fonde la morale et le droit sur la maximisation du bien-être du plus grand nombre] vous expliqueront par exemple que c’est regrettable de mettre un être humain à mort, mais que cela prévient l’extension du crime. Ce n’est pas un argument que vous puissiez considérer comme négligeable. À ce moment-là, il ne reste qu’une seule chose à prendre en compte, c’est l’expérience des pays abolitionnistes. Vous avez là un faisceau d’expériences concomitantes. La criminalité la plus sanglante, celle à laquelle s’adresse la peine de mort, n’est pas affectée par la présence ou l’absence de cette peine dans la législation criminelle. Le crime sanglant poursuit sa voie, avec des périodes d’augmentation, des zones d’indétermination. Mais sur ce seul point où les statistiques du Conseil de l’Europe ont été tenues avec beaucoup de rigueur, on a constaté que présente ou absente de la législation, la criminalité la plus sanglante suit son chemin. Je peux donner des exemples : après l’abolition en France, le nombre de policiers et de gendarmes tués a diminué… Je ne verrai jamais un lien de causalité ! Il se trouve que c’est ainsi. Pourquoi ? Pas parce qu’on avait supprimé la peine de mort, ou pas parce qu’on aurait rétabli la peine de mort en cours de route. Tout simplement parce que s’agissant d’interpellations, on a pris des dispositions. En revanche, on a vu s’accroître le nombre de vieilles femmes tuées. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu un tueur en série qui ne s’adressait qu’aux vieilles femmes. On a également vu quasiment disparaître l’enlèvement des enfants, l’enlèvement d’êtres humains avec demandes de rançons et exécution de l’otage – le type même du procès Patrick Henry [criminel qui a assassiné un enfant de 7 ans en 1976, dont le procès fut l’occasion pour Robert Badinter de lancer une plaidoirie contre la peine de mort]. C’est vous dire que nulle part il n’y a une corrélation entre l’évolution de la criminalité sanglante et la présence ou l’absence de la peine de mort. Et puis il y a un argument d’évidence : nous sommes des démocraties.

“Il n’y a nulle part une corrélation entre l’évolution de la criminalité sanglante et la présence ou l’absence de la peine de mort”

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