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Daft Punk en 2013 à Los Angeles. © Matt Sayles/Invision/AP/Sipa

Pop philosophie

Daft Punk : humains, trop humains après tout ?

Nicolas Gastineau publié le 23 février 2021 4 min

Extinction des feux. Le plus célèbre couple de robots de la musique, les Daft Punk, a pris le monde entier par surprise en annonçant lundi, dans une vidéo intitulée Epilogue, leur séparation définitive. Dans ce clip muet (en réalité composé d'extraits de leur long métrage de 2006 Electroma), les deux artistes, plantés dans le désert californien et vêtus de leurs légendaires costumes rétro-futuristes, se disent un adieu silencieux avant que l’un des deux robots soit désintégré et que l’autre disparaisse, à pied, dans le soleil couchant. L’occasion de revenir sur l’oeuvre et le testament considérable que laissent Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Cristo, les deux Français derrière ce projet. En 28 ans, Daft Punk a été le premier véhicule de la popularisation de la musique électronique, et également l’ambassadeur de son école française, la French touch.

Surtout, la vision des Daft Punk ressemble fort aux paramètres de notre époque : celle d’abord, dans leurs prestations scéniques, d’un monde mis à distance, où nous vivons par l’intermédiaire des avatars et des mondes numériques. Celle aussi d’une adhésion nuancée à la technologie, critique de ses excès : le risque du Harder, Better, Faster, Stronger, ce défi épuisant de devoir rester au rythme de la machine, au niveau de ses performances. Daft Punk, en éteignant ses robots, a visiblement décidé de ne plus s’y soumettre.

 

Le “clip” muet annonçant la séparation du duo.

 

  • Du succès à la disparition. Daft Punk est un duo formé par deux musiciens électroniques français, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Cristo. Actifs comme DJ au début des années 1990, c’est en tant que producteurs qu’ils accèdent à la notoriété mondiale, dès leur premier album Homework (1997) et jusqu’à leur séparation. Leur style musical puise d’abord dans les rythmes ardus de la musique techno avant d’intégrer des influences disco et funk, plus accessibles, qui contribueront à démocratiser la musique électronique et sa version française, la French touch. Leur succès tiendra également à un mythe, celui de rester dissimulés derrière leurs masques et de ne jamais montrer leurs visages.
  • Refus de la personnification ? Tout au long de leur carrière, les Daft Punk ont en effet patiemment orchestré la disparition de leurs identités derrière des personnages robotiques. Dès les débuts, ils insistent pour ne jamais être photographiés et se produire à distance de leur public. Un mystère défendu par le duo comme un refus de la personnification de leur musique. L’idée serait que l’artiste doive s’effacer devant le son produit – comme s’il ne lui appartenait pas –, un trait traditionnel de la musique électronique qui tient à sa technique de production. L’usage des échantillons sonores pour composer une piste (les samples), le fait que la musique soit constamment reprise par autrui, remixable à l’infini et jouée par d’autres DJ : tout concourt à ce que la paternité d’une musique soit diluée dans une continuité de musiciens et de machines, obligeant à l’humilité. Mais dans le cas de Daft Punk, cette distance des artistes accomplit pratiquement l’effet inverse : une aura s’installe autour de ce groupe qui fascine par son absence. Le duo ne donne que peu d’interviews, restreint ses apparitions au strict minimum. Si les Daft Punk étaient apparus masqués auparavant, c’est au moment de leur deuxième album, Discovery (2001), qu’ils adoptent les casques sphériques devenus indissociables de leur image, et qui étaient à l’époque encore chargés de LED multicolores. Les Daft Punk deviennent alors ce mythe impénétrable, et leurs concerts des grands spectacles suspendus, où l’on ne peut plus certifier ni leur présence, ni leur visage ni même leur humanité.
  • Les robots Daft Punk aimaient-ils les robots ? À l’occasion de la mise sur le marché de Discovery sort également un film d’animation mettant en images l’intégralité de l’album, Interstella 5555: The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem (2003), supervisé par le père d’Albator Leiji Matsumoto. Les musiciens bleus de Discovery, avatars spatiaux du duo français, sont kidnappés et manipulés par un imprésario terrien qui les force à jouer jusqu’à l’épuisement. C’est l’occasion pour le groupe d’offrir une lecture critique des excès de la technologie. Dans Digital Love, les voix samplées, passées au vocodeur, ressortent telle une synthèse vocale de robots mélancoliques dont l’amour virtuel ne voit jamais le jour. À mesure que l’intrigue avance, alors que les petits héros bleus sont mis en esclavage, le rythme musical s’accélère intensément, les voix robotiques se font pressantes. L’ensemble rejoint avec Harder Better Faster Stronger la cadence effrayante des machines industrielles, pour scander autant d’injonctions à la performance : work it harder / make it faster / more than ever / hour after hour / work is never over. Human After All (2005) rejouera ce thème encore plus explicitement, avec Technologic et Television Rules the Nation. Chez Daft Punk, le doute est constamment de mise : la machine est-elle l’alliée du musicien, le prolongement de son pouvoir créatif – ou est-elle son ennemi, celui qui l’automatise et en fait un esclave ? 
  • Il est curieux de constater que, par coïncidence, le grand pari scénique de Daft Punk, le retranchement du corps derrière un avatar virtuel, est devenu notre règle contemporaine. C’est même précisément au moment où nous apprenons douloureusement à vivre, à échanger, à créer à distance ainsi qu’ils l’ont imaginé, que leur aventure (virtuelle) prend fin. Le port du masque, la distanciation de l’artiste et du public, la multiplication des médiations numériques entre les créateurs et les auditeurs : c’est la réalité que nous subissons, et c’est également leur testament esthétique. D’où le fait, sans doute, que leur séparation nous touche autant.

 

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