Musique

Crépuscule d’une idole

Barbara Bohac publié le 6 min

Offenbach plus génial que Wagner ? C’est le verdict de Friedrich Nietzsche, qui, après avoir porté au pinacle le compositeur allemand, n’hésita pas à le renier.

Une musique allègre et entraînante, des livrets étincelants d’esprit où l’on se moque de la mythologie et de ce qui est respectable à coups de calembours : voilà ce que Nietzsche oppose sur le tard, peu avant de sombrer dans la folie, à la pompe grandiose de la musique wagnérienne. Après avoir été l’ami intime du couple Richard et Cosima Wagner, auquel il vouait une véritable adoration, il rompt avec le maître de Bayreuth et se prend de passion pour Offenbach et ses librettistes. « En ce qui concerne les conditions élémentaires du génie, Offenbach était plus génial que Wagner », écrit le philosophe en 1887, reniant ses années de « wagnérôlatrie ».

Hasard de la programmation ou volonté de mettre en résonance deux œuvres que rapproche un thème fait pour plaire au philosophe du Crépuscule des idoles – la déchéance des dieux –, Le Crépuscule des dieux, dernier opéra du cycle wagnérien L’Anneau du Niebelung, et Orphée aux Enfers, un des plus grands succès d’Offenbach, ont tous deux été donnés au mois de juillet 2009 au Festival d’Aix-en-Provence. À l’audition de ces œuvres, on se demande avec étonnement comment Nietzsche a pu porter aux nues des musiciens si opposés.

« Ce qui nous manque chez Wagner [...] : la gaya scienza, les pieds légers ; l'esprit, le feu, la grâce ; la grande logique ; la danse des étoiles, l'insolence intellectuelle ; le scintillement de la lumière du Midi ; la mer lisse - la perfection. »

F. Nietzsche

Dans son premier livre, La Naissance de la tragédie (1872), il inclut une dédicace à Richard Wagner ainsi que plusieurs références à ses œuvres, qu’il ne connaît alors que par des transcriptions au piano. Le compositeur allemand représente pour lui la musique de l’avenir, vouée à sortir l’opéra de la décadence où il est tombé. Nietzsche voit en Wagner le restaurateur d’un sommet inégalé de l’art : le théâtre grec d’avant le style psychologique d’Euripide.

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