Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher
Cinéma

Comment vivre dans un monde sans amour ? La réponse des “Trois Frères”

publié le 21 février 2014 4 min
Résonance // Chaque vendredi à 19h15 sur France Info, un membre de la rédaction de “Philosophie magazine” décrypte un fait d’actualité dans le journal de Bernard Thomasson. Ce soir Michel Eltchaninoff commente la sortie en salles des “Trois Frères. Le retour”. Dans ce film de crise, qui n'est qu'une grosse comédie, Les Inconnus offrent l'occasion d'une réflexion sur trois formes d'amour.

Le film Les Trois Frères. Le retour a été assassiné par la critique et célébré par le public. Il a déjà allègrement dépassé le million d’entrées après une semaine d’exploitation. Qu’est-ce qui explique cet immense succès ? Les trois comiques posent une question philosophique radicale et passionnante : comment peut-on vivre dans un monde d’où toute forme d’amour a disparu ?

 

Tout le monde se déteste

En effet, la situation de départ du film est d’une noirceur extrême, dure, cynique, choquante. Les Inconnus décrivent un monde totalement déserté par l’amour. Il n’en reste absolument aucune trace. Regardez : les frères se haïssent entre eux. Pascal et Didier ne se supportent pas et manquent d’en venir aux mains. Ils font tout pour s’arnaquer les uns les autres. Seul Bernard fait le lien, mais c’est un imbécile heureux qui, en plus, adore jouer les gentils car il est un acteur raté en manque de reconnaissance. Réunis contre leur gré pour une sombre affaire d’héritage, après presque vingt ans sans se voir, ils reçoivent une urne contenant les cendres de leur mère. On s’aperçoit alors qu’ils détestent leur propre mère, qu’ils lui reprochent de les avoir abandonnés pour mener égoïstement sa carrière de chanteuse aux États-Unis. Bref, aucun lien d’affection n’unit cette famille, qui, du coup, n’en est plus une.

Connaissent-ils, au moins, l’amour dans leur vie privée ? Pas davantage. Pascal est le gigolo et le domestique d’une mondaine richissime. Il rêve de l’épouser pour partager sa fortune. Mais il ne l’aime pas. Quant à Didier, il a épousé une femme un peu simple d’esprit qu’il ne supporte pas. Il n’attend que la mort de sa belle-mère, une vieille dame en fauteuil, pour empocher l’héritage. En attendant, il fait semblant d’être prof de philo au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Pas d’amour conjugal, donc.

De l’amour filial au moins, comme dans le premier volet, filmé en 1995, et où Didier rencontre son fils et se met à l’adorer ? Non. Bernard ne se souvient même pas du prénom de sa fille, qui réapparaît alors qu’il avait oublié jusqu’à son existence. Quant à Didier, il ne se rappelle son fils, Michaël, que pour tenter de lui soutirer de l’argent. Y a-t-il enfin des amis, des camarades, des collègues de travail avec qui on s’entend bien ? Non plus. En période de crise, les gens ne se font aucun cadeau. Tout le monde se déteste.

Bref, les trois formes d’amour identifiées par la philosophie sont anéanties dans ce début de film.
 

 

Trois formes d'amour

Quelles sont ces trois formes d’amour ? Depuis l’Antiquité grecque, on distingue trois manières d’aimer. D’abord il y a Éros. Il s’agit de l’amour-désir, de la passion. Dans l’Éros, on veut l’autre pour son propre plaisir, le plus souvent charnel. Cette forme d’amour est violente, brutale, jalouse, et elle s’évapore parfois aussi vite qu’elle est apparue. Mais elle engage notre être tout entier et a la beauté de l’exaltation et la force de la jouissance. Or dans Les Trois Frères, Pascal doit boire des produits aphrodisiaques pour être à la hauteur des besoins de son épouse. Didier ne doit jamais toucher son épouse. Personne ne cherche à séduire personne. Les hommes, dans ce film, ne parviennent même plus à désirer.

Ensuite, il y a la Philia (ce terme qui a donné la philanthropie, amour de l’humanité, ou la philosophie, l’amour de la sagesse — qui ne sont pas des passions érotiques !), que l’on traduit souvent par amitié. Il s’agit d’un amour sans manque, cette fois, mais qui rend heureux et réconforte. Il ne s’abîme pas dans les affres du désir et de la jalousie, mais se nourrit de générosité et de joie paisible d’être ensemble. Les frères devraient s’aimer de cette manière. Ils ne sont pas revus, au début du film, depuis des années. Mais rien ne vient rendre agréable leur cohabitation forcée, à part l’intérêt : recevoir de l’argent, ou au moins ne pas trop en perdre.

Enfin, il y a une forme d’amour que l’on appelle l’Agapê, et que l’on a parfois traduit, dans le christianisme occidental, comme caritas, «charité». Ici, il s’agit vraiment d’un amour où l’on s’oublie totalement soi-même, où l’on est prêt à se sacrifier, non pour son propre plaisir, qu’il soit ou non, partagé, mais vraiment POUR l’autre. Une bienveillance pure, un amour désintéressé. C’est cette forme d’amour où l’on ne demande rien pour soi, où l’on accepte même qu’il n’y ait pas de réciprocité, qu’on éprouve habituellement envers ses enfants, lorsque l’on est parent.

 

Le salut par l'agapê

Cet amour est-il plus rare encore que les autres dans Les Trois Frères? Et bien contre toute attente, si l’amour est encore possible dans un monde dominé à la fois par l’idéologie de l’argent et par la misère grandissante, c’est par cette troisième forme d’amour qu’il peut renaître, nous disent les Inconnus.

Sans dévoiler la fin du film, tout s’enclenche au moment où la fille de Bernard apparaît et que ce dernier, se sentant tout de même un peu coupable de l’avoir laissée tomber pendant des années, tente de l’aider un peu en lui donnant de l’argent. Les Trois Frères n’est pas du tout un film sentimentaliste et fleur bleue. Mais c’est en faisant quelque chose uniquement POUR autrui que les frères sont contraints de s’associer, de partager des risques, des dangers, d’inventer des opérations spéciales, de faire à nouveau connaissance... Peut-être de se remettre à s’apprécier, de reconstruire, au moins, un peu de philia entre eux, de retrouver une famille.

 

Une morale à ce film de crise? L’amour — sous ses trois formes — peut renaître de la bienveillance et l’entraide, c’est-à-dire de l’amour à l’état pur, pas égoïste, même là où on ne les attend pas. C’est cet espoir, très ténu mais réel, qui explique — outre le fait, bien sûr, qu’on rit beaucoup — l’immense succès du film.

Expresso : les parcours interactifs
Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
Platon et Aristote : l’amitié des sages
Octave Larmagnac-Matheron

Récit – Platon était-il l’ami d’Aristote, son disciple ? Ils partageaient certainement une forme de philia. Mais on serait bien en peine de produire un texte où l’un parle de l’autre, de la relation qu’ils entretiennent. Il n’est…


Entretien
10 min
Dimitri El Murr : éros et philia, passions rationnelles
Octave Larmagnac-Matheron

Le philosophe Dimitri El Murr convoque éros et philia, sentiments parfois très voisins chez Platon, que l’on traduit, faute de mieux, par amour et amitié. Quelle est cette philia qui, comme l’amour, peut ne pas être payée de retour ? Qui unit…


Article
7 min
Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”
Slavoj  Žižek 06 juillet 2021

L’inconnu est le principal problème auquel les sociétés contemporaines sont confrontées : tel est la leçon, selon Slavoj Žižek, de l’ancien…

Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”

Article
1 min
Agapè
Ariane Nicolas 18 mars 2020

Langue d’origine : grec


Article
3 min
Cocktail détox. L’effet placebio
Tobie Nathan 20 avril 2019

Vous pensiez que ce smoothie grenade-betterave-pomme-citron allait “purifier” votre organisme de vos agapes de la veille ? Peut-être devriez-vous…

Cocktail détox. L’effet placebio

Article
2 min
12 résolutions pour passer l’année
03 janvier 2014

L’année est passée avec son lot de cadeaux, d’agapes et de vœux. Il est encore temps pour les résolutions. Des suggestions: être un peu plus libre, changer de vie, retrouver le temps, maîtriser son corps. Comment s’y retrouver, et s’y…


Article
3 min
Graines alimentaires. Divin régime
Tobie Nathan 08 janvier 2022

Après les agapes des fêtes de fin d’année, vous vous surprenez à chanter « Fais comme l’oiseau » et à vous contenter de graines de chia,…

Graines alimentaires. Divin régime

Article
3 min
Les Frères musulmans, la rue et les fusils
Michel Eltchaninoff 19 septembre 2013

La diversité des réactions face au coup d’État égyptien du 3 juillet dernier et la répression vis-à-vis des Frères musulmans mettent en lumière le conflit des légitimités entre les urnes, la rue et le camp de l’ordre.


À Lire aussi
Visages des frères Dardenne
Par Juliette Cerf
septembre 2012
Job selon les frères Coen
Par Michel Eltchaninoff
août 2012
Les Frères Karamazov : quand le mal entre en scène
Les Frères Karamazov : quand le mal entre en scène
mars 2014
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Comment vivre dans un monde sans amour ? La réponse des “Trois Frères”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse